Les grands journaux canadiens ont choisi la retenue en évitant de publier jusqu'à maintenant les caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL). Une attitude qui tranche avec la solidarité corporatiste, pour le moins douteuse, sur ces desseins islamophobes, dont ont fait preuve les journaux européens qui ont emboîté le pas au danois Jyllands-Posten. Le Devoir, The Gazette, The Globe and Mail, The National Post et La Presse, entre autres, ont décidé de ne pas suivre le mouvement et de ne pas reproduire les caricatures qui ont blessé plus d'un milliard de musulmans. La non-publication n'a pas signifié que le sujet ait été occulté. Loin de là. Les lecteurs canadiens ont eu droit à une large couverture qui a fait souvent la une de leurs quotidiens. Les éditoriaux ont abondé dans la défense de la liberté de la presse. Mais point de caricatures. Ainsi, Raymond Brassard, directeur de l'information du quotidien The Gazette (Montréal), a déclaré à la presse : « En principe, la liberté d'expression nous permet de tourner en ridicule n'importe quelle croyance - qu'elle soit politique, religieuse ou autres - , mais en pratique, nous n'avons pas l'habitude de mettre en colère une communauté, de ridiculiser sans raison valable. » Même son de cloche chez le rédacteur en chef du quotidien Le Devoir qui affirme que son journal a « la responsabilité éditoriale de ne pas s'embarquer dans un jeu de provocations ». « On ne va pas publier les caricatures dans le seul but de provoquer un débat avec la communauté musulmane. », affirme celui qui juge l'attitude solidaire des journaux européens « très politique ». « Nous ne sommes pas convaincus qu'au Canada, la défense de la liberté d'expression justifie la publication de dessins qui risquent d'offenser la population musulmane. Cela nous semble un peu gratuit dans les circonstances actuelles », a affirmé le directeur de l'information du National Post. Cette attitude s'explique aussi par le fait qu'au Canada, aussi surprenant que cela puisse paraître, les caricatures à caractère religieux sont toujours un sujet délicat. Dans la communauté musulmane, les réactions sont restées mesurées. Le sujet a été abordé par les imams lors des prêches du vendredi. Pour l'imam qui a officié à la salle de prière de l'université McGill à Montréal, « ces caricatures sont une insulte pour les musulmans, mais il y a des limites à la liberté d'expression ». Un Québécois a affirmé à la sortie de la salle de prière qu'il aurait aimé voir « la réaction des gens si les dessins concernaient un rabbin ». Une manifestation pacifique est prévue samedi prochain à Montréal pour dénoncer cette attaque gratuite contre la religion musulmane.