La vague de protestation contre les caricatures du Prophète a atteint le Canada, qui regardait curieusement les manifestations « violentes » qui se sont succédé ces derniers jours un peu partout dans le monde musulman. A l'appel de l'imam de la mosquée El Qods, du quartier Saint Michel de Montréal, quelque deux cents musulmans se sont regroupés devant l'entrée de l'université McGill pour dénoncer « l'insulte faite au Prophète Mohamed (QSSSL) » à travers les dessins du journal conservateur danois, Jyllands Posten, et reprises par la presse européenne. Une manifestation qui s'est déroulée dans le calme avec une présence policière discrète et une multitude de journalistes. Les organisateurs prévoyaient une marche vers le consulat du Danemark, qui se trouve à quelques centaines de mètres de l'université. Mais, à la dernière minute, ils ont annoncé aux présents que pour éviter tout débordement, ils se suffiraient d'un meeting. Juste en face, une dizaine de personnes narguaient les manifestants par une pancarte qui louait l'athéisme et dénonçait la religion musulmane. Un non-musulman qui tenait une pancarte sur laquelle était affichée une « image » du Prophète Mohamed a été rapidement évacué par les policiers présents. L'imam, un Tunisien réfugié au Canada, a fait cavalier seul face à une trentaine d'associations musulmanes, de centres islamiques et de mosquées qui ont jugé utile de s'exprimer autrement à travers des journées portes ouvertes pour expliquer le message de l'Islam à la société d'accueil. D'ailleurs, pour se démarquer de l'imam, ces organismes ont tenu, jeudi dernier, une conférence de presse mettant en garde contre les risques de débordement. Leur mot d'ordre, qui a été relayé lors de la prière du vendredi à travers les mosquées de Montréal, semble avoir été suivi, vu le petit nombre de participants à la manifestation de samedi. Lors de cette conférence de presse, qui a été largement couverte par les médias locaux, ils ont publié une « déclaration relative à la publication irresponsable de caricatures racistes du Prophète Mohamed (QSSSL) » à travers laquelle ils affirment qu'en tant que « Canadiens et Québécois musulmans, nous sommes abasourdis et choqués par les décisions prises par ces médias (européens, ndlr), qui révèlent, sans équivoque, leur manque de respect et de tolérance face aux croyances et traditions inscrites dans la foi musulmane ». Dans la même déclaration, ils ont affirmé apprécier que les médias canadiens et québécois aient fait « preuve d'un respect appréciable vis-à-vis des citoyens canadiens musulmans, ne serait-ce qu'en décidant de ne pas publier ces caricatures injurieuses ». Ils ont aussi demandé au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux de présenter « une loi réduisant au ‘‘crime racial'' toute manifestation ou déclaration islamophobe ». De son côté, le nouveau ministre canadien des Affaires étrangères, Peter MacKay, a déclaré, dans un communiqué, que « la publication des caricatures illustrant le Prophète a blessé des citoyens musulmans, tout comme d'autres citoyens partout dans le monde de même qu'au Canada ». « La liberté d'expression est un principe légal qui prévaut au Canada, mais on doit en user de manière responsable. Nous félicitons les Canadiens qui ont agi de manière appropriée », a-t-il dit.