C'est la ruée sur le gaz butane. Dès le petit matin, des dizaines de camions chargés de bouteilles vides sont garés devant le portail du centre enfûteur de Oued Aïssi. Certains sont là depuis 1h du matin. A un autre accès de ce centre, une longue file s'est formée devant un point de vente au détail. Ce sont des centaines de citoyens qui attendent sous une pluie battante. C'est l'anarchie ; la circulation devient de plus en plus ingérable du fait de l'affluence de véhicules venus des quatre coins de la wilaya. On y vient en voiture, en camion, à dos d'âne, à pied, poussant une brouette. Tous les moyens sont bons pour acheminer sa bouteille de gaz. Il est 14h. Le centre ne désemplit pas. «Nous subissons une forte pression. Depuis que les routes sont dégagées, particuliers et dépositaires n'arrêtent pas de faire la navette pour approvisionner leurs familles et leurs villages en gaz», dit un agent de sécurité de Naftal. Yacine, un habitant d'Irdjen, dit en grelottant : «Je suis là depuis 8h. La chaîne avance très lentement, mais que voulez-vous, nous sommes obligés de supporter ces conditions, autrement, on n'aura plus de quoi nous chauffer ce soir.» L'ambiance est très tendue ; il y a des clients qui ont passé la moitié de la nuit ici, dans leurs camions, et d'autres qui ont fait le pied de grue durant des heures, engoncés dans leur imperméable ou leur burnous. C'est le cas de Messaoud, un commerçant du village de Helouane, à l'extrémité de la commune de Boghni, au pied du Djurdjura : «Je suis arrivé vers 5h, mais j'ai trouvé déjà beaucoup de monde. Je n'ai qu'une vingtaine de bouteilles à remplir, mes clients les attendent.» De temps à autre, des citoyens se heurtent à un agent de Naftal, trouvant le rythme du service assez lent. «Je suis à mon premier voyage depuis ce matin. Je suis venu de pour remplir 160 bouteilles que les villageois de Souama m'ont confiées. Les dépôts n'ont pas été approvisionnés. Et là, nous sommes obligés de nous prendre en charge», confie un camionneur de Makouda, qui assure qu'il ne prend que 10 DA par bouteille. En ces temps de pénurie, la bouteille de gaz butane est cédée entre 230 et 250 DA, acheminée à domicile. Une aubaine pour les transporteurs publics. Malheureusement, il reste encore les habitants des hameaux de haute montagne qui restent inaccessibles à ce jour. Ceux là doivent prendre leur mal en patience, car le plan d'approvisionnement enclenché par l'administration ne fait parvenir que 200 à 400 bouteilles par jour et par commune. En dépit de la mise en service de trois chaînes de production et de distribution, Naftal peine à subvenir aux besoins de la population, les moyens de locomotion étant faibles. «On ne serait pas là s'il avaient approvisionné les dépôts des Ouadhias, de Tigzirt et Aïn El Hammam. De ce fait, les villageois sont venus eux-mêmes chercher leur bouteille de gaz», fulmine un habitant de Boghni. Vautré sur le siège de sa camionnette, Karim, transporteur public de profession, affirme : «Je suis revenu avec les mêmes bouteilles que j'avais ramenées hier, puisque je suis rentré bredouille. C'est la misère. Si ce temps persiste la semaine prochaine, ce sera la catastrophe. Les gens, dans les villages, sont stressés.»