Une tapageuse tournée maghrébine, des ambitions à en revendre pour la relance de l'UMA et un extraordinaire activisme pour donner un rôle diplomatique à son pays. Chez le président tunisien Moncef Marzouki, il y a beaucoup d'euphorie, mais pas seulement : s'il donne l'air de militer crânement, et c'est légitime, pour les intérêts de son pays, il semble aussi être porteur d'une feuille de route qu'il a largement étalée lors de son périple qui l'a conduit au Maroc, puis en Mauritanie avant d'arriver hier à Alger pour une visite de deux jours. Moncef Marzouki nourrit visiblement l'ambition de relancer la reconstruction maghrébine et travaille pour un sommet que Tunis aura à abriter dans quelques mois. Un petit pays qui nourrit de grandes ambitions ! C'est tout à l'honneur du président tunisien. Présidant aux destinées de la Tunisie depuis à peine huit semaines, M. Marzouki a opté, par conviction et stratégie, pour une diplomatie offensive qui en a surpris plus d'un d'ailleurs. C'est un virage à 180° qu'il vient de prendre en voulant faire jouer à son pays un rôle qu'il n'a jamais eu auparavant dans l'espace maghrébin sous le régime du dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali ni même avant. Il semblerait en effet qu'il ait obtenu l'accord du voisin marocain pour un sommet à Tunis et il attend une réponse d'Alger. Pour ce faire, Moncef Marzouki demande à faire abstraction du problème du Sahara occidental, pris en charge par l'Organisation des Nations unies (ONU), pour arriver à un ensemble maghrébin où seraient consacrées la libre-circulation des personnes, la libre propriété et, bien évidemment, des frontières ouvertes. Et lorsque le chef de l'Etat tunisien évoque précisément cette question, l'allusion est faite à la frontière algéro-marocaine fermée depuis 1995. Arrivera-t-il à débloquer une situation aussi compliquée ? Pas si simple que cela. Les contentieux algéro-marocains relèvent exclusivement des compétences de ces deux pays voisins. Et ils en ont déjà certainement discuté lors de la récente visite du ministre marocain des Affaires étrangères à Alger. Assurément, c'est pour cette raison qu'on sent un certain embarras en Algérie vis-à-vis de l'activisme de Moncef Marzouki. D'ailleurs, il lui a été fait savoir, comme d'habitude, par une source diplomatique qui a parlé sous couvert de l'anonymat à l'Agence presse service (APS). Il lui a été rappelé que l'Algérie «a toujours été la première à appeler à la relance des institutions et des structures de l'Union, y compris en pleine crise libyenne». Dans cette espèce de mise au point au président tunisien, la même source développe une autre vision, visiblement celle de l'Algérie, concernant le processus de construction maghrébine par le biais du «renforcement des relations bilatérales entre les pays de la région qui est le meilleur moyen de réaliser la complémentarité et l'intégration maghrébines». Le ton a été donc donné pour marquer les contours de la visite de Moncef Marzouki, qui doit porter sur la coopération bilatérale, surtout lorsqu'on sait que l'Algérie couvre à 100% les besoins énergétiques de la Tunisie. La gêne est donc visible du côté algérien qui semble vouloir tempérer les ardeurs, toutefois légitimes, du voisin tunisien qui ne voit rien moins qu'un rôle prépondérant en Afrique du Nord. Pourtant, l'Algérie apprécie en fait moins l'activisme de Marzouki pour l'ouverture des frontières, surtout en l'état actuel des choses.