Le président de la commission Fln de la révision constitutionnelle a-t-il trahi un secret en annonçant hier dans les colonnes de notre confrère Liberté que les propositions du parti sur les différents chantiers institutionnels seront transmises au président de la république ? Implicitement le sénateur Fln du tiers présidentiel laisse suggérer que c'est Bouteflika le maître d'œuvre du projet de révision constitutionnelle qui semble tellement tenir à cœur au Fln. Lorsque l'on analyse d'un peu plus près les changements constitutionnels que le Fln souhaiterait introduire dans la constitution on reconnaît tout de suite l'empreinte du président de la république au détour de chaque proposition. Le Fln, par la voix de son secrétaire général, ne s'en cache plus depuis quelque temps : son parti travaille pour préparer un troisième mandat pour Bouteflika. Personne ne peut reprocher au Fln de vouloir se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir et de garder entre ses mains les clefs de la présidence de la république par l'entremise de Bouteflika, qui faut-il le rappeler est militant et président d'honneur du Fln. Quand le Fln se prononce ouvertement pour un troisième mandat pour Bouteflika en lui préparant le terrain constitutionnel pour valider cette option il le fait fort de sa conviction qu'il est et qu'il restera pour les échéances électorales à venir le parti majoritaire du pays. D'où cette frénésie qui s'est emparée du parti pour se tailler une constitution à sa mesure dans laquelle le Fln se sentirait encore plus à l'aise qu'il ne l'est aujourd'hui avec une constitution qui ne reconnaît pas le droit de la majorité politique. Mais à force de vouloir mettre tous ses œufs dans un même panier, autrement dit en cherchant à renforcer les prérogatives et les pouvoirs du président de la république tout en plaidant pour le respect des règles démocratiques du jeu politique qui veulent qu'un parti majoritaire au parlement doit être tout naturellement éligible pour gouverner et diriger l'exécutif, il veut à la fois le beurre et l'argent du beurre. Ce système politique qu'ambitionne de mettre en place le Fln n'existe nulle part. Le parti qui dénonce le mode de gouvernement actuel qu'il trouve hybride et inopérant du fait qu'il est à cheval entre le régime présidentiel et le régime parlementaire tombe dans le même travers en voulant lui substituer un autre modèle tout aussi invertébré fondé non pas sur une vision démocratique du pouvoir mais sur les ruines des institutions en place en préservant les équilibres des forces agissantes au sein du pouvoir. On l'aura tous compris, le choix du Fln penche manifestement vers le régime parlementaire. C'est du moins ce qui ressort de cette complainte politique incessante de Belkhadem qui ne rate aucune occasion pour rappeler que le Fln, parti majoritaire, n'a pas toute la place qui lui revient de droit dans les institutions du pays, notamment à la tête de l'exécutif. Mais d'un autre côté en revendiquant dans le cadre de la révision constitutionnelle des pouvoirs plus étendus pour le président de la république, le parti milite inévitablement pour l'avènement d'un régime présidentiel fort qui confine le parlement dans un rôle de chambre d'enregistrement que le parlement actuel accomplit déjà fort bien. On ne peut pas raisonnablement vouloir une chose et son contraire. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, de tout le pouvoir, le Fln met plusieurs fers au feu. Il s'appuie sur son sponsor politique, le président Bouteflika qui ne pourrait que vouloir du bien au parti étant lui -même un enfant du Fln et de surcroît son président d'honneur. Un renforcement de ses pouvoirs ne pourrait être que bénéfique pour le Fln qui tirerait directement ou indirectement les dividendes d'un tel choix. En militant pour une telle option qui renvoie à une vision du pouvoir qui est aux antipodes du régime parlementaire le Fln cherche à ne pas irriter Bouteflika en se prononçant ouvertement pour une rupture systémique avec le régime en place. Les prérogatives du président sont déjà suffisamment étendues pour lui rajouter de nouveaux pouvoirs qui remettraient carrément en cause les minces acquis démocratiques arrachés au cours de ces dernières années surtout devant l'absence de tout contre-pouvoir dans le pays. A moins que cette mixture étrange d'instauration d'un pouvoir transgénique que le Fln prépare en y associant deux ingrédients : le renforcement du pouvoir du président greffé au régime parlementaire qui ne sont pas soluble l'un dans l'autre en tout cas, pas dans un régime démocratique, ne soit destinée qu' à se confectionner une armature solide visant à se protéger contre les interférences extérieures et les institutions parapolitiques qui tenteraient de se réapproprier le pouvoir en vidant de leurs substances les institutions élues. En génétique comme en politique les risques de rejet de corps étrangers est une réalité avec laquelle il faudra compter.