Journaliste à Radio France Internationale et écrivain, Yahia Belaskri a participé au festival des Etonnants Voyageurs Haïti. Retrouvez chaque semaine dans El Watan Week-end son carnet de route. Port-Salut enfin ! Vue de nuit, découverte au matin, longeant des plages féériques, eau couleur verte, sable fin et cocotiers, de quoi alimenter tous les fantasmes. Port du salut, c'est son crédo quand les marins traversaient une passe dangereuse et arrivaient à cet endroit, ils affirmaient que c'était le port du salut. Là, dans ce coin isolé, lointain, au milieu des cocotiers, entre coqs indisciplinés qui chantent toute la nuit, pas seulement à l'aube et moustiques qui mordent, Haïti reçoit le monde. Ici, ce sont Les Passagers des Vents. Et les vents de partout comme les écrivains : d'Europe, d'Afrique et d'Amérique. C'est quoi ? Une résidence d'écrivains. Etonnant ? C'est Haïti qui ne s'est pas effondré. Haïti qui s'ouvre et offre une halte aux mots des autres. Haïti qui entreprend avec ce Monsieur, Suisse devenu Haïtien, arrivé en 1948 avec son père, aujourd'hui président de la Fondam, la fondation qu'il a créée du nom de sa fille, Dallas, décédée à 21 ans. Il reboise la région pelée à force d'abattre les arbres pour en faire du charbon – car on cuisine au charbon ici. Il éduque aussi les enfants, leur apprenant les gestes civiques. Un homme blanc, aussi beau que ses rêves, légaliste jusqu'au bout des ongles, têtu jusqu'à l'épuisement, blessé jusqu'à la moelle, déterminé jusqu'à l'acharnement. Il vit entre Port-au-Prince et Port-Salut, dans son pays, creusant les contours des montas pour laisser ruisseler les eaux tropicales, allant d'une ONG à l'autre, expliquant que les experts payés à prix d'or et les rapports volumineux ne sont pas nécessaires et qu'il s'agit de peu, en l'occurrence de renforcer les canaux de contour, de ne pas tracer la route au bord de la plage – une ineptie acceptée par les autorités car Taiwan finançait et ne voulait pas s'embêter à écouter les voix de ceux qui avaient une vision écologique de leur environnement. Port-Salut, au détour d'une rencontre, ce sont deux jeunes, Lovely, 21 ans, étudiante à l'université de Port-au-Prince et comédienne, Marc, 23 ans, comédien et metteur en scène. Ils parlent de Michaux et Kateb Yacine (oui, oui, ils le connaissent ! Ils l'ont lu !), de Georges Castera et de Serreau. Que font-ils ici ? Ils sont venus rencontrer James Noël pour organiser une rencontre littéraire à Coteaux, petit village d'à côté où la poésie est aussi vénérée que le culte vaudou. Haïti effondré ? Vous n'y êtes pas. Port-au-Prince est à terre. La vie est toujours en marche. Port-Salut aussi. Résolument. A suivre…