La question qui est régulièrement posée, notamment dans les symposiums et les workshops, et qui est largement débattue entre experts et décideurs est la suivante : Quelle stratégie de valorisation et de commercialisation des hydrocarbures faut-il adopter pour un pays comme l'Algérie ? Et quels seraient les ajustements qui devraient être apportés pour tenir compte de l'évolution rapide de la scène énergétique tant nationale qu'internationale ? En d'autres termes, quelle stratégie faut-il élaborer, dans le cadre de la politique énergétique nationale, pour faire face, à la fois, au défi interne d'accroissement des réserves nationales d'hydrocarbures, de leur valorisation et des changements rapides de la scène énergétique internationale ? Celle-ci, à notre avis, devrait d'abord reposer sur l'ensemble des aspects institutionnels, réglementaires, opérationnels et commerciaux. Concernant le premier aspect, j'avais montré — dans une contribution parue dans El Watan du 17 décembre 2011 — la nécessité de réviser la loi 05-07 amendée par l'ordonnance 06-10. Cette dernière est devenue, en fait, un repoussoir pour les compagnies étrangères. Or, rappelons que l'ancienne loi 86-14 avait permis, durant la décennie 1990, d'obtenir des résultats très significatifs et qui ont assuré le renouvellement des quantités produites depuis 1971. De plus, environ soixante contrats d'exploration et de production ont été signés entre 1985 et 2005. Ainsi, en quelques années, les réserves nationales d'hydrocarbures ont recommencé à croître. Le ratio réserves/production, mesurant le volume des découvertes par rapport à celui des extractions, est repassé très rapidement au-dessus de la barre des 150%. Autrement dit, l'Algérie découvrait plus d'hydrocarbures qu'elle n'en produisait. L'espérance de vie de ces réserves a été ainsi rallongée de plusieurs années. Après les échecs des 3 appels d'offres lancés en 2008, 2009 et 2011, la priorité aujourd'hui reste la révision du cadre législatif de l'exploration et la production des hydrocarbures, afin d'attirer le plus grand nombre de sociétés pétrolières internationales dans l'objectif, d'une part, de renouveler et d'accroître les réserves d'hydrocarbures, et, d'autre part, d'acquérir de nouvelles technologies qui ont été développées dans l'industrie des hydrocarbures dans le monde. D'autant que le marché pétrolier a connu de profonds bouleversements depuis le début de ce XXIe siècle. Le deuxième aspect, tout aussi important, a trait à l'arbitrage à faire entre la couverture des besoins nationaux à long terme et la détermination d'un niveau d'exportation, en rapport avec les besoins financiers de l'économie algérienne. L'autre sujet, tout aussi fondamental, a trait au développement de l'aval de la chaîne des hydrocarbures, c'est-à-dire principalement le raffinage et la pétrochimie. Dans les années 1980, l'Algérie avait un ambitieux programme de développement de la filière pétrochimique dans les deux pôles que sont Arzew et Skikda, et qui malheureusement n'a pas été achevé et qui aurait permis le développement d'un véritable tissu industriel basé sur des dizaines de PME et PMI. Il est vrai qu'aujourd'hui les produits semi-finis et finis pétrochimiques sont soumis à une rude concurrence au niveau mondial et les segments sont contrôlés par quelques firmes déjà bien implantées. L'Algérie n'ayant pas investi à temps dans ces filières, contrairement à bon nombre de pays du Golfe, devra innover pour acquérir des parts de marché au niveau mondial qui sont très réduites. Aujourd'hui, pour l'Algérie, le programme de développement de la pétrochimie devra être largement diversifié et en partenariat avec de grands groupes internationaux. Ce programme sera basé pour l'essentiel sur la valorisation d'intrants d'hydrocarbures et sur la fixation d'un coût de l'énergie à prix compétitif. Ce programme de base devra donner naissance à d'autres filières pétrochimiques et plastiques, ainsi qu'à la création de dizaines d'unités industrielles. Enfin, une dernière préoccupation, tout aussi importante, est le rôle que doit jouer la compagnie nationale. A la différence des compagnies pétrolières internationales qui n'assument qu'une fonction pétrolière, la société nationale accomplit une fonction nationale qui ne relève pas d'une logique de profit et qui consiste en la réalisation de missions externes n'ayant pas de liens directs ou indirects avec ses métiers de base. Ainsi, la société nationale doit s'engager, d'ailleurs comme l'ensemble des sociétés pétrolières nationales des pays producteurs de pétrole, à effectuer des missions de service public et à soutenir financièrement les orientations économiques et les choix politiques de son principal actionnaire qu'est l'Etat. Les rentes pétrolières doivent être transformées en une capacité de production reproductible afin d'accroître le niveau d'industrialisation du pays.