Photo: Horizons. La nationalisation des hydrocarbures en Algérie «est certes un événement national mais ses répercussions internationales ont aussi marqué durablement l'industrie mondiale et le commerce international des hydrocarbures», a indiqué le ministre de l'Energie et des Mines, M.Youcef Yousfi dans une interview à l'APS, à l'occasion de la célébration du 40e anniversaire de cette décision historique. Quarante ans après la nationalisation des hydrocarbures, que représente pour vous, Monsieur le ministre cette date historique et comment a-t-elle contribué au développement du secteur ? Les décisions du 24 février 1971, portant nationalisation des hydrocarbures, ont véritablement cristallisé la volonté de notre pays de poursuivre le processus de recouvrement de sa souveraineté nationale en devenant maître de ses ressources naturelles, afin de les mettre au service du développement économique et social de la nation. C'est, certes un événement national mais ses répercussions internationales ont aussi marqué durablement l'industrie mondiale et le commerce international des hydrocarbures. Le secteur des hydrocarbures qui, comme on peut le constater aujourd'hui, a connu grâce à l'impulsion donnée par ces décisions majeures un essor remarquable qui a contribué directement au financement des programmes d'investissement nationaux au profit de tous les citoyens et également au positionnement international de l'Algérie. Nous pouvons voir en effet, combien l'augmentation de la production d'hydrocarbures liquides et gazeux enregistrée au cours de ces quarante années, a permis dans la dernière décennie de continuer à répondre, en priorité et de manière satisfaisante, à une demande en énergies en forte croissance sur le marché intérieur et d'exporter des volumes importants de gaz, de pétrole et de produits raffinés. C'est d'ailleurs dans l'esprit du 24 février et grâce à une politique judicieuse que les recettes d'exportation d'hydrocarbures nous ont permis de préserver la souveraineté de la décision nationale, par notamment la réduction drastique de l'endettement extérieur du pays et la constitution d'un Fonds de régulation des recettes (FRR) qui garantit le financement de nos projets de développement. Fruit de l'exploitation optimale de nos ressources par des femmes et des hommes compétents et engagés dans le sens de l'intérêt national, le secteur des hydrocarbures a fait depuis 1971 un parcours formidable, multipliant par deux la production de pétrole, atteignant des niveaux de taille mondiale pour la production gazière, plaçant l'Algérie parmi les leaders mondiaux de cette industrie et parmi les acteurs principaux du marché. Mais ce qui me semble le plus important, en l'occurrence, c'est ce que nous avons appris et retenu de cette dynamique en termes de capitalisation de l'expérience et de maîtrise technologique, ce qui devrait nous permettre d'envisager avec optimisme la préparation de la relève et de faire face avec succès aux nouveaux défis que nous pose désormais le monde de l'Energie. En cela le 24 février demeure décidément une grande sou rce d'inspiration pour toutes les générations. Quelles sont les perspectives à moyen et long terme du secteur de l'Energie et des Mines dans un contexte international marqué par un retour en force des sociétés nationales dans l'exploitation et la commercialisation des hydrocarbures. Quelle sera la part des énergies renouvelables? Le secteur de l'Energie et des mines s'attèle à mettre en œuvre un programme ambitieux de développement à moyen et long termes de toutes les activités qui sont de sa responsabilité. Pour ce qui concerne les hydrocarbures, Sonatrach prévoit à moyen terme d'augmenter la production de pétrole et de condensat grâce, d'une part, à un maintien de l'effort de production pour les gisements actuellement en exploitation et d'autre part, à la mise en production de nouveaux gisements. Pour ce qui est du gaz naturel, la compagnie nationale a défini un important programme d'exploration et de délinéation au niveau des zones à potentiel gazier, en particulier dans le Sud-Ouest algérien, ainsi qu'au niveau des bassins de Berkine et d'Ilizi. Au niveau du développement des gisements de nombreux projets sont, soit en cours de réalisation soit en phase de lancement. Ces projets permettront d'assurer la croissance de la production de gaz à moyen et long termes. Quant à l'industrie pétrochimique, elle est appelée à devenir un vecteur très important de l'économie nationale et nous sélectionnerons les filières de valorisation des matières premières permettant de développer un véritable tissu industriel. Au plan de la production d'électricité, les énergies renouvelables s'imposent comme une option incontournable pour la satisfaction de nos besoins énergétiques à long terme. Aussi, l'Algérie, bien que disposant d'importantes ressources d'hydrocarbures, doit préparer sa transition vers un modèle énergétique basé sur les énergies renouvelables. Une telle transition permettra notre affranchissement progressif par rapport aux hydrocarbures, autant pour la satisfaction de nos besoins énergétiques intérieurs que pour les exportations. De plus, le potentiel en énergies renouvelables de l'Algérie constitue un atout majeur qui pourra être valorisé pour faire de notre pays un fournisseur de l'Europe en énergie électrique, comme elle l'est actuellement pour le gaz naturel. Par ailleurs, la nécessité d'éviter le gaspillage et de permettre une meilleure compétitivité de notre économie nationale, a amené notre secteur à définir un programme d'efficacité énergétique. C'est dans cette vision globale qu'un programme de développement des énergies renouvelables et d'efficacité énergétique ont été adopté récemment par le gouvernement. Ce programme a identifié plus de 65 projets pour la période 2011/2020, dont 10 projets pour la seule phase pilote 2011-2013. Il vise à terme une contribution des ENR à hauteur de 40 % de la production nationale d'électricité à l'horizon 2030. En matière d'emploi, la réalisation du programme ENR permettra la création de plus de 200.000 emplois directs et indirects. L'industrie mondiale des hydrocarbures passe par une période d'incertitude en raison de la spéculation sur les produits pétroliers qui a créé une volatilité des cours. Comment l'Algérie, membre de l'OPEP, appréhende cette question? Il est vrai que le marché pétrolier a connu de profonds bouleversements depuis le début de ce XXIe. La période 2000-2003 a été marquée par des prix stables à l'intérieur de la bande de variation 22-28 dollars/baril fixé par l'OPEP suite à l'effondrement des prix de 1998. La hausse de la demande, en particulier de la Chine, conjuguée à l'épuisement des réserves mondiales de certaines régions, comme la mer du Nord, les investissements trop faibles de la décennie 1990 (en raison du faible prix du pétrole durant cette décennie), sur l'ensemble de la chaîne pétrolière et aussi, la volonté de l'OPEP de protéger les intérêts de ses pays membres ont été à l'origine d'une hausse des prix durant la période 2004-2008, les prix atteignant plus de 100 dollars le baril sans affecter réellement la croissance économique mondiale. Parallèlement, on a assisté à une montée en puissance des marchés financiers pour le pétrole et les produits pétroliers avec un volume de transactions financières évaluées à environ trente-cinq fois celui des transactions physiques. En 2008, le pétrole a connu de très fortes variations de prix, jamais égalées, attribuées essentiellement à la spéculation des marchés financiers. Il est clair que les marchés financiers du pétrole et la logique financière des acteurs qui les animent sont porteurs de risques difficilement contrôlables et que la question du prix du pétrole et des commodités en général débouche sur la problématique de la régulation des marchés financiers qui s'alimentent de la spéculation et découragent les investissements. L'Algérie, à travers l'OPEP, continuera à militer pour la stabilité et la visibilité des prix du pétrole à des niveaux qui encouragent les investissements de production qui sont devenus plus coûteux avec l'épuisement des réserves existantes. Nous pensons que seul un signal de prix durable est de nature à encourager les investissements de croissance. Dans une situation incertaine en termes de prévision des prix du pétrole, les pays exportateurs sont confrontés à la volatilité de leurs recettes d'exportation qui rend très difficile la conduite d'une politique budgétaire équilibrée. Les pays industrialisés réfléchissent à réformer les marchés financiers et notamment les marchés dérivés du pétrole depuis les dérives constatées lors de la crise financière. Des pistes pour stabiliser lesprix sont en discussion dans le cadre du dialogue producteurs-consommateurs entre les pays de l'Opep et les pays industrialisés.