Rien ne va plus entre Rome et New Delhi, depuis que deux militaires de la marine italienne sont détenus au sud de l'Inde, accusés d'avoir tué deux pêcheurs pris pour des pirates. De notre correspondante de New Delhi La visite du ministre des Affaires étrangères italien, Giulio Terzi, dans la capitale indienne, prévue depuis longtemps, ne pouvait pas tomber plus mal. Un incident diplomatique de taille oppose les deux gouvernements depuis le 15 février, lorsqu'un pétrolier italien croise un petit chalutier indien (de 12 m) à 14 miles des côtes indiennes. Croyant avoir à faire à des pirates, les militaires à bord du navire marchand tirent en direction des pêcheurs désarmés, abattant deux d'entre eux. Le navire est alors bloqué par la marine indienne, près du port de Kochi (Etat du Kerala) au sud de la péninsule. Débarqués du navire Enrica Lexie, les deux agents de sécurité, des tireurs d'élite formés pour combattre les pirates de la mer, ont été déférés hier devant un juge indien avant d'être placés à nouveau en garde à vue, en attendant leur jugement prévu pour la semaine prochaine. Les autorités italiennes, qui récusent la version de leurs homologues indiens, défendent les deux marins, Massimiliano Latorre et Salvatore Girone, et exigent que l'affaire soit jugée sur le sol italien. Une forte délégation de représentants italiens s'est rendue, cette semaine, à Delhi où elle a rencontré des responsables indiens, mais sans parvenir à fléchir la position indienne. Les responsables italiens ont d'abord soutenu que la réaction des militaires chargés de la protection du pétrolier était une riposte à ce qui «semblait une offensive de piraterie», et que ces derniers avaient tiré uniquement dans l'eau, avant de nier que les tirs soient partis du navire. Selon ces derniers, un autre navire, battant pavillon grec, aurait essuyé une autre attaque de pirates et aurait ouvert le feu en direction des pêcheurs. Mais cette version est catégoriquement démentie par les gardes-côtes indiens qui affirment qu'il n'y avait aucun autre navire à proximité du lieu de l'incident, et que dans cette région paisible et très touristique, on n'a jamais vu l'ombre d'un pirate. Le gouvernement de Mario Monti espère toutefois que la visite du chef de sa diplomatie à New Delhi, prévue pour le 29 février, permettra de baisser la tension entre les deux pays afin de parvenir à un compromis. Rien n'est moins sûr, affirment les observateurs indiens, qui rappellent qu'à la tête du parti au pouvoir, le Congrès, siège une dame de fer d'origine italienne, Sonia, veuve de Rajiv Gandhi. Toute concession accordée à ses anciens concitoyens serait vue comme une compromission, voire trahison, de celle qui s'est attelée depuis trois décennies à faire oublier son origine, condition incontournable pour gouverner la plus grande démocratie du monde.