Le paysage politique national vient d'enregistrer l'entrée en scène de huit nouveaux partis fraîchement agréés. A seulement deux mois du rendez-vous électoral. Et le ministère de l'Intérieur promet de statuer sur d'autres partis en attente d'agrément. Mais globalement, bien malin celui qui pourrait déterminer le nombre de partis que compte la scène politique nationale. Dans la foulée, il y a lieu de souligner qu'à seulement quelques semaines de l'entrée dans l'arène des partis, l'on soit dans la totale ignorance des formations qui devraient en être. La conduite de ce dossier, entre les mains de l'administration, requiert moult commentaires. Il importe de signaler que la multiplication des sigles n'est pas forcément synonyme de démocratie. D'aucuns se demandent si l'addition de nouveaux partis aux formations déjà existantes serait susceptible de charrier une espèce de valeur ajoutée démocratique. Est-il possible d'établir l'ancrage de tous ces partis qui ont la prétention de représenter un courant ou un autre ? Le moins qu'on puisse dire est que l'opinion commune admet que les élections précédentes ont toutes, sinon presque toutes, été truquées alors il conviendrait d'admettre qu'il n'y a à ce jour aucun repère qui puisse permettre de mesurer le poids de chacun. Et comme il devenu coutumier de constater qu'à l'approche des consultations électorales, des partis sortent de nulle part pour se lancer dans la course. Mais force est de relever que les avis divergent. Et c'est peut-être tant mieux ! «Ce sont des créations de laboratoire pour atomiser le champ politique. Ils n'expriment ni des programmes ni des trajectoires de lutte sociale, au mieux c'est pour assouvir des ambitions personnelles», juge l'universitaire Ammar Belhimeur. Ce n'est pas l'avis de ces nouveaux acteurs dont la plupart sont issus des formations politiques classiques. Ils estiment démocratique de fonder de nouveaux partis dès lors que «l'électorat n'est pas resté figé dans sa configuration d'il y a quinze ans». Mohamed Saïd du Parti de la liberté et de la justice (PLJ) soutient l'option de l'ouverture tous azimuts du champ politique. «C'est une nécessité démocratique qui répond à un besoin et à une soif de liberté. L'éclosion de partis politiques permettrait aux Algériens, privés de leur droit durant de longues années, de participer librement à l'exercice démocratique. Il faut tenir compte du vent qui a soufflé sur le Monde arabe et ne va pas nous épargner. Il devrait y avoir une recomposition politique qui permettrait à l'ensemble des citoyens de participer à la vie politique nationale», justifie le patron du PLJ. Le RND du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, applaudit l'agrément de nouvelles formations : «C'est un renforcement du processus démocratique et un enrichissement de l'espace politique. Nous espérons qu'elles apporteront un plus», a déclaré Miloud Chorfi, porte-voix du RND. Trop de partis, moins de démocratie De l'avis du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) c'est tout le contraire. Le parti de Saïd Sadi brocarde une ouverture qui cache en réalité «un re-verrouillage» de la vie politique. Il voit, dans l'arrivée de nouvelles formations politiques, «une multiplication de sigles pour caser les clientèles du régime. Une bonne partie de ces nouveaux chefs doivent répondre de leurs actes devant la justice. Ce sont des délinquants», lâche non sans virulence le porte-parole du RCD, Mohcen Belabes. Pour lui, s'il s'agissait d'une réelle volonté politique d'ouverture, «pourquoi refuse-t-on d'agréer le Front démocratique (FD) de Sid Ahmed Ghozali, dont le parti existe depuis plus d'une décennie ?». «Nous devons laisser la liberté totale aux Algériens de créer des partis, des associations. C'est aux Algériens de décider qui les représentera, pas au ministre de l'Intérieur», tacle Amara Benyounes, transfuge du RCD, dont le le nouveau parti, le Mouvement populaire algérien (MPA), vient d'être agréé. Après une fermeture tous azimuts, le pouvoir ouvre brusquement l'écluse. A quel dessein ? «Tel que cela se passe, cela relève du folklore, du cabotinage. On ferme les vannes pendant dix ans au mépris de la loi et on les ouvre subitement, à quelques mois des élections. Quel est le message qu'on envoie ? Rien d'autre qu'un remake du carnaval fi dechra... Il n'y avait aucune justification légale à l'interdiction des partis, mais la gestion du pouvoir qui passe allègrement d'un non-respect de la loi à une inondation de sigles peut difficilement être vue comme étant animée d'un souci de démocratie. C'est quoi pour des électeurs 20 partis qu'on lâche comme on libère l'excès d'eau des barrages ? Une blague... La politique, c'est plus sérieux», analyse un fin observateur. Par ailleurs, la multiplication de partis va-t-elle bousculer le paysage pour une nouvelle reconfiguration ou plutôt ces nouveaux-anciens acteurs sont-ils pour autant partisans d'un ordre politique établi depuis l'ouverture politique de 1989 ? Pas si sûr, répond le sociologue Nacer Djabi, qui observe l'évolution de la classe politique. «Reconnaître de nouveaux partis est une bonne chose en soi, mais reste la question centrale qui est celle de leur efficacité et de leur représentativité. A part un ou deux, la plupart de ces nouveaux partis ne sont pas l'aboutissement de luttes sociales et politiques. Ce sont tous le produit de dissidences et de scissions avec les formations traditionnelles, dues à des divergences non pas doctrinales mais plutôt de querelles de personnes et de luttes d'appareil. Donc, ils ne seront pas porteurs de projets et de discours nouveaux. Ils vont capter les déçus des autres partis, ce qui pourrait les affaiblir sans pour autant aller jusque à une reconfiguration profonde du paysage politique», constate M. Djabi. En somme, une «explosion» de partis.