L'Algérie doit-elle exploiter les hydrocarbures non conventionnels, dont notamment le gaz de schiste ? C'est à cette question qu'ont tenté de répondre des experts lors d'un atelier qui se tient, depuis hier, au Centre des conventions d'Oran. Ce débat, organisé par l'Association algérienne de l'industrie du gaz sous l'égide de l'Union internationale de l'industrie du gaz, se veut être «un éclairage» pour la prise de décision par les autorités algériennes. Faut-il suivre les Américains qui exploitent à plein régime cette ressource non conventionnelle ou, au contraire, s'inspirer de la France, dont le Parlement vient d'interdire, pour des raisons environnementales, l'exploitation du gaz de schiste ? Youcef Yousfi, ministre de l'Energie et des Mines, qui a été invité à ce débat, s'est dit être «très attentif» aux réflexions formulées par les communicants. La rencontre a regroupé un panel d'invités issus de plusieurs compagnies de l'industrie du gaz, des sociétés de services, des cabinets juridiques, des universitaires et des experts indépendants. M. Yousfi qualifie l'exploitation de ces ressources non conventionnelles d'«une des innovations les plus spectaculaires de ces dernières années». «Nous sommes conscients, nuance toutefois le ministre, que le chemin reste long pour réunir les conditions propres à une exploitation rationnelle et sûre de ces ressources non conventionnelles considérables». Quid du potentiel de l'Algérie en matière de gaz de schiste ? Plusieurs chiffres ont été avancés, allant de 186 à 500, voire 4000 tcf (1 tcf vaut 28 g/m⊃3;). «Au fur et à mesure, les chiffres se précisent, ce n'est pas une science exacte», estime M. Touhami, cadre dans l'activité Amont de Sonatrach qui expliquait cette différence entre les chiffres. M. Yousfi affirme, quant à lui, que «le potentiel des réserves de gaz non conventionnels est prometteur (…) et pourrait représenter des ressources exploitables considérables au moins équivalentes à celles des réserves de gaz conventionnels». «Les résultats préliminaires des évaluations indiquent que le potentiel est au moins comparable aux plus importants gisements américains», déclare le ministre. Tour à tour, Bob Palmer, M. S. Cameron et Rick Lewis, d'Unconventionnel Ressource Group, ont évoqué «la grande révolution gazière aux USA, durant ces dix dernières années». Seuls les USA ont réussi à produire cette énergie à des coûts acceptables. Le gaz de schiste assure 50% des besoins énergétiques des Américains. Dans un pays où un privé peut posséder un champ pétrolier ou gazier, la loi ne s'encombre pas de contraintes environnementales. M. Yousfi évoque, certes, «la seule illustration concrète de ce potentiel se déroulant aux Etats-Unis», mais affiche un optimisme mesuré. «Nous sommes en phase d'approfondissement des études d'évaluation du potentiel des gaz non conventionnels. Dans une deuxième phase, nous lancerons une exploitation-pilote pour cerner les possibilités d'exploitation. Nous souhaitons développer des partenariats avec tous les acteurs intéressés», lance M. Yousfi. Toutefois, le ministre reste prudent, estimant que la question «impose un examen approfondi pour trouver des solutions innovantes et adaptées». M. Yousfi admet que «des questions d'ordre environnemental restent posées», notamment celles liées à l'usage excessif et polluant de l'eau des produits chimiques utilisés. Le ministre souligne la nécessité de mettre en place une réglementation visant à minimiser l'impact réputé négatif sur l'environnement. La plus grande crainte est suscitée par la technique dite de «fracturation hydraulique», jugée polluante. «Nous avons procédé à des fracturations depuis des années. L'Algérie dispose d'une législation qui encadre bien le secteur», assure, de son côté, M. Touhami. «Plusieurs bassins ont été explorés par Sonatrach seule ou en partenariat avec des sociétés étrangères. Les contraintes liées à la fracturation ne sont pas insurmontables. Il y a matière à amélioration», estime ce cadre de Sonatrach. L.G. Chorn, directeur général d'Unconventionnal Ressources, prévient que l'industrie du gaz de schiste est «très exigeante en eau et en investissements lourds, et que la rentabilité est à long terme d'où un risque important sur les investisseurs qui engagent leurs capitaux». «A court terme, ce n'est pas rentable. Il faut se projeter sur 10 à 20 ans pour espérer un bon retour sur l'investissement», dit-il. Comme quoi, le débat ne fait que commencer.