Abandonnée à un triste sort, la capitale des Hauts-Plateaux perd, au grand dam de ses enfants, son titre de «ville belle et propre». Détrônée par ses propres gestionnaires ne faisant pas le moindre effort pour redorer un blason terni, la séculaire devient la «ville aux mille et une crevasses». Les dernières précipitations de neige qui ont fait le bonheur des gestionnaires des ressources hydriques et une catégorie d'agriculteurs ont mis à nu les tares du réseau routier du chef-lieu de wilaya, n'ayant de chef-lieu que le nom (le mot n'est pas fort). Epargnées par le phénomène, dans un passé récent, les rues et avenues du centre-ville sont défoncées. Pour l'illustration, l'avenue du 1er Novembre 1954 (rue de Constantine comme aiment l'appeler les Sétifiens), la rue Ahmed Aggoune, la rue des Frères Meslem, l'avenue Mustapha Benboulaïd, les principales artères de l'antique Sitifis, tombées en décrépitude, se trouvent dans un état piteux. Interrogé non loin de la mosquée Benbadis, Mohamed-Tahar (68 ans, un ex-postier) se dit outré par le sort réservé à sa ville bien-aimée. «Il ne faut pas se voiler la face, Sétif n'est propre que dans l'esprit des amnésiques ne voulant pas se rendre à l'évidence. Avancer le contraire c'est faire offense à l'histoire de la cité qui mérite mieux. Je ne veux pas connaître les argumentaires des locataires de l'hôtel de ville, bouclant un mandat à mettre aux oubliettes.» Toufik (un banquier de 48 ans), abonde dans le même sens: «L'APC qui ne s'occupe que de la rue de Constantine, passage obligé du wali, est démissionnaire. Vous n'avez qu'à faire un tour du côté des 1000 Logements, Ledjenen, Lahchama ou au niveau de la ZHUN-Est, pour voir la face cachée d'une ville tombée en désuétude. En plus des nids de poule qui portent un sacré coup au réseau routier et aux véhicules des citoyens, la circulation est impossible en de nombreux endroits de la cité qui ne voit toujours pas venir l'utopique plan de circulation.» Ce dernier, le cadre de vie, la pollution générée par le parc roulant, le parking à étages, les logements sociaux participatifs ont été abordés par d'autres citoyens pointant du doigt l'administration et les élus, premiers responsables du marasme, selon nos interlocuteurs. «Dans les années 1970 et 1980, la commune qui ne disposait pourtant pas de gros moyens, excellait dans le ramassage des ordures ménagères, l'entretien des routes et de l'éclairage public à la charge de professionnels qui ne courent plus les rues. Le refrain relatif à l'expansion de la ville ne tient pas la route. On ne doit pas se cacher derrière ce genre de subterfuges», dira Si Rabah, 71 ans, retraité des Finances. «Au bon vieux temps, le maire qui sillonnait la ville veillait personnellement au bien-être de ses concitoyen. Hélas, une telle approche n'est plus de mise de nos jours. La population dans sa majorité ne connaît ni le maire qu'on appelle P/APC ni ses adjoints qui s'éclipsent, une fois élus. La ville qui n'arrive plus à régler ce problème de nids de poule, touche le fond de l'abîme. C'est grave et honteux pour une agglomération pourvue pourtant de moyens humains, matériels et financiers», fulmine Mokdad, 68 ans, ex-employé communal. Naïm, un jeune universitaire au chômage, attend une visite présidentielle devant pousser, dira-t-il, les responsables à réagir. «En cette période de vaches maigres la visite du Président est plus que souhaitée. Les responsables de la commune et de la wilaya seront dans l'obligation de mobiliser les gros moyens et de dépêcher le bataillon de la commune pour effacer d'un coup les tares d'une agglomération qui recule. Dire que ce ne sont pas les moyens qui font défaut à Sétif, qu'on tue à petit feu», martèle notre interlocuteur. «Il ne faut pas se leurrer, la ville n'est ni gérée ni défendue comme il se doit. Cette histoire de crevasses n'est que la partie émergée de l'iceberg. Le retard pris dans le renouvellement des feux tricolores en est une preuve. L'absence d'un parking à étages qui aurait pu générer des postes d'emploi et atténuer un tant soit peu le problème du stationnement, en est une autre. La nonchalance de nos gestionnaires brandissant à chaque fois la question des procédures administratives, font mal à la collectivité qui ne connaît toujours pas le sort réservé aux parcelles la cité Bounechada et Diar El Nakhla», déclare Ammar, 55 ans, fonctionnaire à l'université. «Même si le citoyen est dans une certaine mesure responsable de la dégradation du cadre de vie marqué par l'insalubrité, principal décor de Bizard, de la cité Kerouani, Bouaoudja, Cheikh El Aïfaoui pour ne citer que ces espaces, la commune n'est pas exempte de tout reproche. Elle ne fait aucun effort pour réparer à temps l'éclairage public défaillant, au cœur même de la cité. Le ramassage des ordures et l'entretien du réseau routier deviennent pour nos responsables une affaire d'Etat», dira Selma, 49 ans, cadre dans une entreprise privée. «Avant de passer le témoin, les élus de l'APC, l'APW et l'APN doivent faire leur mea-culpa car ils ont tourné le dos à leurs propres engagements et à leurs électeurs, qu'on voudrait une fois de plus apprivoiser par des promesses sans lendemain. N'ayant pas de problème de logement et de transport, nos illustres élus ne lèvent pas le petit doigt pour soulager la cité asphyxiée par les poisons dégagés par ces tacots de bus. Les listes des 3500 logements LSP sont pour les mêmes motifs prisonnières de la bureaucratie», fustige Samir, 51 ans, fonctionnaire.