A l'origine Oued Hamimime comptait uniquement des terres agricoles appartenant à la féodalité locale. Depuis, l'administration coloniale française avait aménagé une piste d'aérodrome pour la petite aviation et les entraînements aéronautiques pour les besoins des militaires. Juste à côté, il y avait un terrain hippique où l'on exerçait les sports équestres. A l'entrée de l'aéroport, une buvette vendait toutes sortes d'alcools et de spiritueux pour ses clients qui venaient se rafraîchir. L'Indépendance conquise, une usine de construction des moteurs de tracteurs a été bâti en lieu et place de l'aérodrome. L'amorce d'un développement accéléré est décrétée. Le plein emploi est devenu un fait. Les coopérants allemands se sont installés avec leur famille en aménageant toutes les commodités : des chalets d'habitation, un terrain de sport et une piscine. Ces coopérants et leur famille ne manquaient de rien. Même les boissons alcoolisées étaient consommées chez eux ou servies par le bar-restaurant d'un particulier algérien. Le départ précipité de ces coopérants, sous la pression populiste de l'algérianisation de l'encadrement, était synonyme d'amorce de la régression. La production et la productivité, qui étaient un souci permanent des travailleurs par le fait y compris du volontariat, ont cédé le pas à la course vers la coopérative de consommation située à 200 m de l'usine. Il en est de même pour d'autres « acquis sociaux » : la restauration à la cantine était appréciée par les ouvriers qui se bousculaient pour la prise de leurs repas dans la chaîne du self-service. Aujourd'hui, les mécanos transportent leur manger dans des couffins ou sachets en plastique et mangent à même le sol, le plus souvent du pain accompagné d'une boisson gazeuse pour faire des économies sur la prime de panier équivalente. Le transport était assuré du domicile jusqu'au lieu du travail avant de céder à la libéralisation anarchique génératrice de spectacles désolants. Les travailleurs sont agglutinés aux abords de la route pour rentrer chez eux. Paradoxalement, la gare ferroviaire qui se trouve à proximité n'est pas utilisée. Cette régression a été facilitée « par le reflux du mouvement syndical au lendemain de l'application du plan d'ajustement structurel et la montée de l'intégrisme qui a accaparé la représentation ouvrière par l'ex-syndicat islamique du salut », soutient un ex-syndicaliste. Cette organisation constituait le creuset du terrorisme qui a incendié à deux reprises la station d'essence située sur la Route nationale. « Une grande partie des syndicalistes de l'UGTA abdiqua. Cette dernière n'a repris l'initiative qu'avec les sacrifices d'une poignée de travailleurs qui n'étaient même pas ses adhérents. » Sur le même site de CMT, l'on construisit une usine de production de machines outils (PMO) et une fabrique de béton pour les travaux de construction (ex-Copreba). Beaucoup de ces entreprises y ont laissé des plumes au lendemain de la restructuration induite par le plan d'ajustement (PAS) qui a fait beaucoup de dégâts sociaux alors que bon nombre de maffieux se sont enrichis illégalement. Oued Hamimime se métamorphosera pour devenir une agglomération avec la construction de plusieurs habitations en coopératives immobilières, en autoconstruction, en immeuble HLM et même en bidonville. A l'exception des 2 écoles primaires dont une est menacée par les infiltrations d'eau, la mosquée et la gendarmerie, les autres équipements sociaux sont pratiquement inexistants. Le transport est aléatoire pour une grande partie des habitants, notamment les collégiens et les lycéens. Les routes sont dans un état de dégradation avancée et l'éclairage public défaillant. Pour les ouvriers résidant au site, c'est le cycle infernal et abrutissant du boulot-dodo et de la vie virtuelle au contact de la parabole. Hier, l'on savourait le bonheur de la vie même dans la misère, aujourd'hui et malgré l'opulence matérielle, la « vie virtuelle » domine les esprits dans tous les domaines.