Kamel Boussâd et Berkane Bouderbala, journalistes et directeurs des deux hebdomadaires Errissala et Essafir sont mis sous mandat de dépôt suite à deux plaintes du ministère de la Communication. Motif ? Reproduction des fameuses caricatures blasphématoires à l'égard de l'Islam publiées par le journal danois. La « bonne foi » des deux journalistes qui, soit dit en passant, ne peuvent être soupçonnés d'être des antimusulmans pour la simple raison que leur ligne éditoriale s'inscrit résolument dans le sillage de la mouvance islamiste, ne les a pas pour autant sauvés. Ils ont été brusquement jetés en taule en vertu du code pénal. L'attitude des mis en cause est-elle pour autant condamnable ? Parole aux journalistes. Pour Mahmoud Belhimer du quotidien El Khabar, la mise en détention préventive des deux confrères est « une forme d'arbitraire contre la presse libre qui n'est pas nouveau. Je pense que les responsables de deux journaux ont juste tenté de montrer le caractère abject des attaques contre le Prophète Mohamed (QSSSL) et qu'ils n'avaient aucunement l'intention de nuire à sa personne, mais simplement de sensibiliser les Algériens. Il est tout même curieux de constater que nos deux confrères soient considérés comme ceux du journal danois ayant publié les caricatures ! Cela étant dit, on peut effectivement déceler une petite erreur professionnelle mais qui ne suppose pas l'emprisonnement des journalistes ». Hocine Adryen du quotidien La voix de l'Oranie abonde dans le même sens. « Je suis catégoriquement contre l'arrestation des deux journalistes, considérant que la reproduction des caricatures incriminées n'est pas attentatoire à la foi musulmane. J'estime que les dessins ne doivent pas choquer les musulmans dans la mesure où les attaques contre le Prophète (QSSSL) ne datent pas d'aujourd'hui. Faut-il rappeler que Voltaire avait commis il y a plus d'un siècle un brûlot contre le Prophète (QSSSL). » Un avis que partage Kamel Amarni du Soir d'Algérie qui dénonce également l'arrestation des deux journalistes. « De prime abord, l'on ne peut que dénoncer l'emprisonnement des journalistes. Dans la presse algérienne, il y a eu des écrits incitatifs au terrorisme, au racisme et au crime sans que les autorités n'aient eu à réagir. Un dessin est-il plus dangereux qu'un appel au meurtre d'un chef terroriste ? Il est regrettable que l'on verse dans le zèle alors même que les auteurs des caricatures se sont excusés publiquement. » Hmida Ayachi, directeur du quotidien Djazaïr News, insiste lui aussi sur la « bonne foi » des deux journalistes. « Dans l'entretien qu'il nous a accordé le directeur d'Essafir nous a expliqué qu'il n'avait pas l'intention de nuire à la personne du Prophète (QSSSL). Et je le pense aussi, sachant personnellement que les deux publications sont connues pour leur proximité avec la mouvance islamiste. L'emprisonnement des deux journalistes est sans doute une mauvaise chose et il appartient à la corporation de se mobiliser pour la révision du code pénal. » Mohamed Tahar Messaoudi d'El Watan insiste, lui aussi, sur la bonne foi des deux confrères. « Je m'oppose par principe à l'arrestation des journalistes », affirme-t-il estimant que : « Je ne pense pas qu'ils aient publié les caricatures pour offenser le Prophète (QSSSL), mais simplement pour sensibiliser l'opinion publique. » Nadir Bensebâa, coordinateur du bureau régional de la FIJ, note, lui qui condamne l'emprisonnement des deux confrères : « L'acharnement des autorités sur les journalistes de la presse privée au moment où des appels à l'apaisement sont lancés un peu partout dans le monde. »