La décision de placer sous mandat de dépôt Berkane Bouderbala, directeur de l'hebdomadaire Essafir, publiant le supplément Errissala, et de Kamel Bousaâd, directeur de l'hebdomadaire Panorama, éditeur du supplément religieux Iqraa, pour avoir publié les caricatures jugées offensantes à la personne du Prophète (QSSSL) a fait l'effet d'une bombe au sein de la corporation. Pour Mohamed Fardjallah, rédacteur en chef d'Essafir, l'hebdomadaire qui publie chaque jeudi le supplément Errissala, consacré à la religion, a été catégorique dans ses propos. La publication de ces caricatures a été faite dans le seul but de montrer aux musulmans comment le journal danois a représenté le prophète Mohamed . A aucun moment, notre intention n'était d'offenser ce qui est considéré comme étant sacré que ce soit à travers la personne du Prophète ou celle des autres envoyés de Dieu. Parfois, il faut apporter la preuve de ce que l'on avance pour faire passer le message. La torture dans la prison d'Abou Ghraib n'aurait jamais été dénoncée si les images n'avaient pas été publiées. La publication de ces dessins n'avait d'autres objectifs que de défendre le Prophète et non l'inverse. Nos journalistes ont fait appel à des imams pour demander leur avis sur la publication de ces caricatures et aucun d'eux n'a été contre. De plus, de nombreux cadres du ministère des Affaires religieuses participent à ce supplément religieux et à aucun moment il n'y a eu des réactions négatives », a déclaré M. Fardjallah. Ce dernier a précisé, en outre, qu'à ce jour aucune notification des autorités concernant la plainte ou la suspension du journal ne leur a été adressée. « Après la publication des caricatures, le 2 février, des agents de la police se sont présentés mercredi 8 février à la rédaction pour remettre une convocation au directeur. Etant absent, ils ont pris avec eux quelqu'un d'autre auquel ils ont remis une autre convocation pour le samedi 11 février, date à laquelle Berkane Bouderbala s'est rendu au commissariat du Docteur Saâdane, à Alger, vers 8h30. Nous n'avions aucune information jusqu'à 11h, lorsque son avocat nous a appris qu'il a été placé sous mandat de dépôt. Pour nous, c'était le choc... » M. Fardjallah a exprimé sa surprise quant à « la célérité » avec laquelle cette affaire a été traitée par les services de police puis par la justice et surtout par la mise sous mandat de dépôt des deux directeurs « juste pour avoir défendu le Prophète ) ». En effet, dans son édition du 2 février, le journal a appelé ses lecteurs à travers un éditorial à « barrer la route aux bandes qui complotent contre l'Islam ». « Mauvaise interprétation » De même que les commentaires et les articles ayant accompagné les caricatures en question vont tous dans le sens de la condamnation. De nombreux écrits ont fait campagne pour le boycott des produits danois. Dans l'édition du 2 février, le journal a également publié un placard publicitaire de l'Association des oulémas algériens appelant à une campagne de défense du Prophète et une pétition de dénonciation des caricatures, adressée à l'ambassade du Danemark à Alger. Dans un point de presse animé hier au siège du centre de la Fédération internationale des journalistes, M. Fardjallah est revenu sur les circonstances de la mise sous mandat de dépôt de son directeur Berkane Bouderbala en insistant sur le fait que le collectif rédactionnel n'a à ce jour (hier) reçu aucune information sur les motifs de cette mise en détention, ni ceux de la suspension du supplément Iqraa. « L'avocat qui l'a accompagné au commissariat n'a pas été mis au courant ni des charges retenues contre lui ni de l'identité des plaignants. Nous n'avons pas imaginé une seconde les conséquences de la publication de ces caricatures. Nous défendons tous les journalistes, mais dans cette affaire il y a eu non seulement une mauvaise interprétation, mais également une réaction brutale, sélective et sévère à l'égard des directeurs de journaux. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de faire sortir nos confrères de prison. La justice a été sévère à leur égard. Pour ce qui est de la suspension d'Essafir, l'imprimeur du journal a invoqué des dettes non honorées. Celles-ci seront réglées après... », a-t-il conclu. Il a promis, de plus, de mettre à la disposition de la corporation tous les détails de cette affaire une fois que l'avocat de M. Bouderbala aura accès au dossier. Il a annoncé par ailleurs que le directeur de Errissala, M. Bouderbala, comparaîtra aujourd'hui devant la chambre d'accusation. Contacté hier, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Panorama, éditeur du supplément Errissala, a refusé catégoriquement de commenter la mise sous mandat de dépôt de son directeur, en dépit de notre insistance.