Lieu de grandes civilisations, terre de conquêtes et d'empires successifs, champ de confrontations majeures des religions monothéistes, la Méditerranée est tout à la fois imprégnée des magnificences et des déchirures de l'histoire. Au stade de la mondialisation néo-libérale, elle demeure un point névralgique sur la carte du monde, ligne de partage économique entre le Nord et le Sud, mais aussi entre l' Est (les Balkans) et l'ouest du continent européen. Elle est certes une aire d'interdépendance culturelle et économique. Néanmoins, elle se caractérise surtout par des disparités marquées en matière de développement économique et social et de situations politiques. Disparités qui s'observent non seulement entre ses deux rives, mais également à l'intérieur de chacune de ces zones, et notamment au Sud. L'avenir de la Méditerranée ne réside donc pas dans un retour à son âge d'or. Il se réalisera à travers l'élaboration d'une vision authentiquement méditerranéenne de la Méditerranée, et ouverte sur ce que commence à devenir le monde du XXIe siècle. Il se réalisera aussi à travers la Méditerranée en un lieu d'expérimentation d'un nouveau modèle de rapports Nord-Sud, réducteur des inégalités et tourné vers la création de conditions favorables à un mode de développement non excluant. Or, puisque le développement est la condition sine qua non de l'établissement d'un espace commun de paix et de prospérité partagée dans la région, il est opportun de savoir exactement de quel développement elle a besoin, afin de chercher le ou les moyens les plus adéquats pour y parvenir. Depuis quelques années, en liaison avec le phénomène de mondialisation, le partenariat est omniprésent dans tous les domaines des relations internationales, et en particulier dans celui du développement économique où l'expression est apparue en premier, le partenariat ayant des caractéristiques permettant de le distinguer des instruments traditionnels de l'action internationale. De ce fait, le partenariat constitue une expression nouvelle du droit international du développement où «il n' y aura pas forcément au départ égalité entre les partenaires, ni dans leur implication ni dans la prise de décision ou dans le partage des intérêts ou des gains, il y a ‘‘parité'' dans l'action ramenant chacun au même niveau face au résultat à obtenir. Cette notion de parité est essentielle dans le partenariat et correspond à l'idée d'une ‘‘égalité renforcée'', tournée vers l'efficacité, vers les résultats. C'est, peut-on dire, une nouvelle application du principe de l'égalité des Etats : l'égalité dans le respect des différences, rendue possible par l'adhésion à des valeurs communes». Le terme de «partenariat» doit être distingué d'autres concepts proches, mais dont les différences de degré des liens unissant les acteurs entraînent une utilisation, elle aussi diverse, des termes définissant la relation. Ainsi, l'aide financière consiste à «saupoudrer», alors qu'un partenariat financier est la participation au financement d'activités décidées en commun, en fonction d'objectifs communs. Si l'aide centre les liens dans un sens unique du Nord vers le Sud, les relations pacifiques unissant les Etats, à l'exemple des pays méditerranéens, ont été pendant longtemps définies sous le vocable «coopération», celle-ci désigne, à la différence de l'aide au développement, la mise en commun par les Etats de leurs forces pour la réalisation de buts qui dépassent les moyens individuels dont ils disposent . Dans les faits, il ne sera pas conclu d'accords de libre-échange globaux.En raison des conflits qui divisent la région, des oppositions politiques entre les Etats du sud méditerranéen et des intérêts divergents des puissances européennes, aucun accord global n'est possible et les pays de l'Union européenne vont signer des accords séparés avec chaque pays de la rive sud. Le partenariat euro-méditerranéen n'est donc pas devenu la plus grande zone de libre-échange du monde, pas plus qu'il n'a transformé économiquement et socialement la région. Le processus euro-méditerranéen se voulait donc un projet généreux et ambitieux. Mais, au-delà des mots, il apparaissait clairement, et dès le départ, comme un projet au service des intérêts économiques et géopolitiques européens, reposant sur un pacte d'association asymétrique, d'inspiration néo-coloniale et libérale. Reposant sur l'axe central du libre-échange, on peut, quinze ans après son démarrage, prendre la mesure des effets du capitalisme dérégulé, financiarisé et libéralisé sur une économie périphérique qui s'y soumet sans ménagement et sans restriction. Dès lors, la croissance économique est tout entière déterminée par l'orientation à l'exportation, depuis les industries textiles, les activités de montage, jusqu'aux centres d'appels téléphoniques. Elle induit le «mal-développement», puisqu'elle se construit sur l'extraversion et la soumission au «libre» jeu de l'avantage comparatif que constituent une force de travail surabondante, flexible et ajustable, quelques avantages climatiques et environnementaux valorisés dans des productions agricoles, elles aussi orientées vers l'exportation, au détriment des productions vivrières, ainsi que dans le tourisme de masse. C'est dire si l'on se trouve loin d'un développement plus auto-centré, plus autonome et au service des populations, fondé sur des lignes directrices alternatives : priorité aux activités collectives, mise en valeur des ressources locales, prioritairement dans le pays même, orientation vers la substitution d'importations, sans empêcher pour autant les activités exportatrices. Car, le libre-échange pose problème lorsqu'il s'agit de la confrontation en situation de développement inégal entre économies périphériques et économies dites «développées». L'asymétrie dans les relations entre ces deux mondes entraîne, «toutes choses égales par ailleurs», le renforcement de la domination côté nord, l'enfoncement dans la dépendance côté sud. Dans cette optique, il revient aux PSEM de surmonter leurs résistances et de promouvoir l'intégration Sud-Sud, qui pourrait constituer un puissant levier pour crédibiliser le partenariat avec l'UE et contribuer au renforcement de l'attractivité de la région pour les IDE. A ce titre, la construction d'une union maghrébine ne doit plus être considérée comme un idéal à atteindre, mais un impératif de survie, car l'avenir de ces pays est précaire : il vaudra mieux le construire ensemble plutôt que d'avoir à le supporter séparément. Et en approfondissant de plus en plus l'analyse, le terme «ensemble» appelle des réformes indispensables au sein de chaque pays, sur tous les plans, - macro comme micro - et aussi bien dans la sphère publique que privée.