L a rente pétrolière bâillonne inexorablement toute velléité de réforme et toute volonté de projection et prévision à moyen terme. L'organe de réflexion et de prospective, rattaché à l'hebdomadaire britannique The Economist, vient de publier une analyse inquiétante concernant les perspectives de développement économique à l'horizon 2030. The Economist Intelligence Unit (EIU) prévient que pour conserver un rythme de croissance moyennement stable, le gouvernement devra prendre des mesures importantes pour accroître la part du secteur dans l'activité économique, y compris la part des investisseurs étrangers, réduire le chômage chronique et améliorer les qualifications de la population active. Selon le think tank britannique, si les autorités arrivent à relever l'ensemble de ces défis, elles pourront s'assurer d'un taux moyen de croissance annuelle du PIB de 5,5% à l'horizon 2030. Il est ainsi question d'une croissance poussive durant la décennie 2011-2020 à 4,6% et d'une expansion accélérée à 6,5% entre 2020 et 2030. Si elles paraissent optimistes à première vue, ces prévisions restent soumises à une condition sine qua non, celle de la réforme. Or, EIU prévient que la rente pétrolière et les prix élevés du pétrole affaibliront de fait «la volonté du gouvernement de faire passer des réformes vitales, comme la solidité de la situation financière de l'Etat, diminuant l'incitation à stimuler l'investissement étranger direct». Preuve en est, selon le think tank, que la récente politique du gouvernement «va décourager les investissements étrangers, minant la diversification économique». EIU reconnaît que l'économie algérienne s'appuie sur de solides macroéconomies, à l'image d'une dette publique globale réduite, ne constituant guère plus de 10% du PIB, de risques souverains faibles, d'un fonds de stabilisation couvrant 380% de la dette brute. Les réserves de change de l'Algérie bloquent aussi toute pression sérieuse sur le dinar, même si, note, The Economist, «la Banque d'Algérie pourrait intervenir pour affaiblir la monnaie en cohérence avec des politiques visant à réduire les importations». Le gouvernement algérien a également lancé un programme d'investissement exclusivement financé par des financements internes en s'interdisant tout recours à des emprunts sur le marché international. Or, les défis qui se posent actuellement concernent la croissance et la diversification de l'économie dans un contexte où la dépense publique ne cesse de s'accélérer et que les équilibres budgétaires sont de plus en plus fragiles. Et pour cause, les perspectives économiques à court terme sont moroses. En fait, la croissance réelle du PIB ne devrait pas dépasser les 3% d'ici à 2016. D'ailleurs, l'environnement des affaires est vertement critiqué par les analystes de The Economist à cause d'une «une attitude négative envers les investisseurs». Le fait est que l'économie nationale est largement dépendante des hydrocarbures, et donc vulnérable à toute menace de récession particulièrement en zone euro. D'ailleurs, EIU n'exclut pas une réduction des exportations de l'ordre de 0,1% en 2012 avant que celles-ci repartent à la hausse en 2013 avec une croissance de 5,4%. Les importations pour leur part inscrivent une expansion continue à 4,2% en 2012 et à 4,8% en 2013. Des importations qui alimentent le programme d'investissement public et les engagements sociaux du gouvernement qui risquent de grever durablement le Fonds de stabilisation (Fonds de régulations des recettes). Le bas de laine, qui est censé protéger l'Algérie des effets d'une récession durable, risque ainsi d'être fortement malmené en cas d'une chute soudaine et durable des cours du pétrole. Une situation d'autant plus préoccupante que le think thank britannique estime qu'en raison d'une gestion opaque des finances publiques, le gouvernement algérien pourrait avoir du mal à lever des financements externes en cas de besoin. Une possibilité que EIU n'écarte pas à partir de 2013 en raison de l'importance du programme de dépense publique.