- Il y a eu trois décès par pendaison de jeunes garçons de 11 à 12 ans. Selon vous, quelle explication peut-on donner à ce type de comportement ? Ce sont les 3 premiers cas enregistrés à notre niveau, cette année. Ils ont été ramenés au CHU de Tizi Ouzou pour les besoins de l'autopsie. Je pense que la problématique est toujours la même : des conflits au sein de la famille, des difficultés scolaires, la réaction des parents par rapport aux résultats scolaires de leurs enfants… C'est vrai que ces dernières années, les parents ont investi beaucoup dans l'éducation de leurs enfants pour qu'ils soient un modèle et pour qu'ils réussissent. Parfois, on espère beaucoup de nos enfants alors qu'ils ne peuvent donner que ce qu'ils ont. Les parents ne devraient pas s'attendre à l'image d'un enfant exemplaire. Et c'est là que réside le véritable conflit entre parents et enfants. Parfois, il y a des enfants qui sont limités sur le plan intellectuel et ceux qui conçoivent leur avenir en dehors des études, en empruntant d'autres voies pour gagner leur vie. Le fait de projeter son enfant sur un idéal peut avoir des répercussions positives comme cela peut avoir des conséquences négatives. - Quelle est la fréquence de ce phénomène chez des écoliers ? Pendant longtemps, on a affirmé que le suicide est très répandu dans la wilaya de Tizi Ouzou. Il faut savoir que dans le monde entier, le suicide de l'enfant est rare, voire exceptionnel. Il faut souligner que la notion de la mort est prise en conscience chez l'enfant à partir de l'âge de huit ans. De 2007 à 2010, j'ai fait une étude prospective, où je me suis intéressé aux suicides et aux tentatives de suicide au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou. Et durant mon parcours, j'ai eu un cas qui m'a marqué, celui d'un enfant qui avait 11 ans, un écolier qui s'est donné la mort il y a 3 ans après une dispute et un renvoi de l'école. Ayant eu peur d'affronter son père, il a trouvé, à son niveau d'analyse, de réflexion, que la solution est de faire un acte irréparable, celui de se donner la mort par pendaison. - A quel niveau doit-on agir ? Je pense qu'il existe déjà, au niveau des écoles, des cellules médicales psychologiques qu'il faut multiplier et généraliser. J'estime aussi qu'il faudra former les enseignants ainsi que les responsables des établissements scolaires sur le plan psychologique et psychopédagogique. Une démarche comme celle-ci peut éviter beaucoup de dérapages, de gestes et de comportements irréversibles. Parfois, il y a une incompréhension entre les éducateurs et les parents, parce que l'enfant d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier. Donc, il doit y avoir une approche particulière de l'enfant par le système scolaire algérien, pour se démarquer du châtiment et aller vers la compréhension afin de décrypter le comportement de l'enfant pour éviter l'irréparable.