Les liens «djihadistes » du présumé tueur en série de Toulouse et Montauban ont ravivé mercredi les craintes, tant de politiques que de responsables cultuels, d'une «remontée » anti-islam en France. Ces contraintes sont d'autant plus «justifiées » qu'elles interviennent en période de pré-campagne électorale pour la présidentielle du 22 avril prochain, une opportunité que n'hésiteront pas à saisir par des candidats à la course à l'Elysée, connus pour leur discours haineux envers la communauté musulmane, ont estimé les mêmes observateurs. Le candidat du Front de Gauche à l'Elysée, Jean-Luc Mélenchon, a estimé que le «premier devoir » était désormais de «lutter contre les assimilations et stigmatisations haineuses », à la suite de l'identification de l'auteur présumé des tueries de Toulouse et Montauban. «Dorénavant, notre premier devoir est de lutter contre les assimilations et stigmatisations haineuses à qui cette situation pourrait servir de prétexte », a-t-il ajouté, faisant allusion notamment au Front national dont la candidate à la présidentielle, Marine Le Pen, a affirmé qu' « on a sous-estimé le fondamentalisme en France », appelant à une «guerre contre les fondamentalo-religieux ». La candidate EELV à la présidentielle, Eva Joly, a, de son côté, lancé un appel à la paix pour que «nous trouvions une façon de mieux-vivre ensemble. » Pour elle, il incombe aux présidentiables de ne pas envenimer la situation. Eva Joly a, à cette occasion, pointé du doigt «les propos discriminants » de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant qui, selon elle, «n'arrangent rien ». Le chef de fil du MoDem, François Bayrou, dit ne pas faire de cette tuerie une «affaire de racisme ». Désirant éviter toute stigmatisation, il a exhorté la société française à « former l'ensemble le plus uni possible ». Pour sa part, le candidat à la présidentielle Nicolas Dupont-Aignan a appelé à éviter «les dérapages assimilant le terrorisme, l'islam et les Français musulmans». «Les dérapages assimilant le terrorisme, l'Islam et les Français musulmans sont la meilleure des manières de donner raison à ce terroriste et à sa folie criminelle. Ne lui faisons pas ce cadeau », a-t-il déclaré. Dès l'annonce que le suspect des tueries de Toulouse se réclamait d'Al-Qaïda et du djihadisme, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a estimé qu'il ne faut «pas d'amalgame entre la religion musulmane à 99,9% pacifique, citoyenne, responsable, non violente et tout à fait intégrée dans notre pays et puis ces minimes petites franges de gens décidés à faire un mal atroce ». Il a jugé que la communauté musulmane, «dans sa très grande majorité, ne peut pas se reconnaître dans cette forme de pratique, qui n'est que l'expression de la haine, de la violence, du terrorisme, qui n'ont rien à voir avec les religions que nous représentons ». «C'est un élément d'abasourdissement, de stupéfaction, d'étonnement et aussi d'incompréhension, de révolte, à savoir qu'il y ait encore, en 2012, des éléments qui s'érigent en exécuteurs infâmes et criminels », a ajouté le recteur de la mosquée de Paris. Le président de l'Union des Musulmans de Grigny (Essone), Abdelhak Eddouk, a fait part de la crainte d'une stigmatisation après les tueries de Toulouse et Montauban. «Tuer de jeunes juifs pour venger les jeunes Palestiniens ne peut que nous révolter, ne peut que nous inquiéter », a-t-il regretté, évoquant sa «crainte, dans une période électorale, que certains en profitent pour en rajouter et pour stigmatiser l'Islam en tant que religion, et les musulmans en tant que citoyens ». Interrogé sur la tournure que prendrait la campagne électorale au moment où l'immigration en constitue une question majeure, l'historien de l'immigration Patrick Weil, pense que ceux qui voudraient utiliser ces actes ignobles pour des avantages électoraux auraient tort. « La seule réponse, c'est la réaffirmation des institutions et des valeurs de notre République. Tout calcul d'un autre ordre, dans ce moment de drame et de douleur collective que nous vivons, serait indécent et sera perçu comme tel par nos concitoyens », a-t-il affirmé. La France compte quelque cinq millions de Musulmans, dont 3,9 millions en âge de voter.