The Thai Film Archive, la Cinémathèque de Bangkok, a organisé au Sri Salaya Theatre un panorama de films documentaires consacré aux productions d'Asie. Début mars, à Bangkok, ce fut une occasion unique de découvrir des films qui sont rarement montrés sur les grands écrans, destinés quasi exclusivement aux cinémathèques, ciné-clubs universitaires ou aux chaînes de télévision sérieuses, pour compenser le public restreint des ciné-clubs, des cinémathèques et des universités. Cette année, les organisateurs de Salaya Doc Festival ont choisi de montrer d'abord ce qu'ils appellent «The Document Of Disaster». Ce sont des films faits sur le triple désastre japonais d'il y a un an : tremblement de terre, tsunami et catastrophe nucléaire. Ainsi que les témoignages filmés sur le «floods» en Thaïlande dont une grande partie s'est retrouvée sous les eaux, de septembre à décembre derniers. Le douloureux contexte japonais a conduit l'un des plus prestigieux acteurs nippons, Ken Watanabe, (dans les chefs-d'œuvre d'Akira Kurozawa) à quitter Hollywood, où il poursuivait sa carrière, et retourner dans son pays pour visiter les provinces sinistrées et filmer ce qu'il a vu et ressenti comme un choc terrible. Son documentaire produit par la NHK et Discovery Channel, Beyond The Tsunami With Ken Watanabe, vivement applaudi par les spectateurs au Sri Salaya Theatre, provoque une très vive émotion. Après le désastre nucléaire de Fukushima, la plupart des experts ont spéculé sur une forte récession économique et une lourde facture sociale au Japon. Mais le film de Ken Watanabe montre, qu'en dépit des pertes humaines, des destructions, des ruines laissées par le tsunami, la population n'a pas perdu espoir. Il relie cet état d'esprit à son expérience personnelle. En 1989, Ken Watanabe a été atteint de lucémie. Il a beaucoup souffert, mais il en a guéri par miracle. Pour lui, il y a un miracle japonais. Dans le petit port détruit de Mikayo, Ken Watanabe filme sa rencontre avec un pêcheur âgé de 80 ans. Tout autour, on ne voit que des débris, de la poussière. Le village a été englouti. Le vieux pêcheur a tout perdu. Mais il dit à Watanabe : «S'il vous plaît, revenez me voir dans 10 ans, d'ici là j'aurai tout reconstruit.» La question n'est pas de fournir l'aide, l'argent à la population sinistrée, mais d'aller voir les gens et vivre un moment auprès d'eux. Ken Watanabe dit : «Je ne peux mesurer la profondeur de leur détresse. Je peux seulement m'asseoir, parler avec eux, poser affectueusement mon bras sur leurs épaules et pleurer aussi comme eux.» Cette année, l'affiche du «Document Of Disaster» a gardé la place pour les productions de Thaïlande, Birmanie, Indonésie, Chine, Vietnam, Malaisie, même si c'est le Japon qui fournit l'essenteil du programme avec quatre autres réalisateurs, Tatsuya Mori, Yasuoka et Watai Takaharu et Matsubayashi Youju. Un an après, il ont fait le voyage vers les lieux du désastre pour rapporter chacun des images fortes qui n'ont nul besoin du secours du verbe. Le cinéaste thaïlandais, Nuttorn Kugwankai, a rapporté, pour sa part, d'étranges images des «floods», les inondations forcément dramatiques qui ont touché son pays. Mais lui a réussi un sujet original en filmant dans Under Water Dog les équipes de volontaires qui ont sauvé les chiens errants, très nombreux, dans la région de Bangkok. Ce vaste panorama de films documentaires asiatiques permet au Thai Film Archive de renforcer sa position dans la sphère asiatique, en aidant des cinéastes qui attendent peut-être une éventuelle vente à une chaîne de télévision. A Bangkok, où les nombreuses salles ultra modernes situées aux derniers étages de vastes shopping malls, réservent une place prépondérante aux films américains de nature divertissante (et souvent aussi horrifiante !), la cinémathèque de Thaïlande développe une politique cinéphile, un projet cohérent en faveur d'une production asiatique florissante, comme c'est le cas de ces brillants films documentaires.