Plus de 50 partis politiques tunisiens se sont réunis samedi à Monastir pour resserrer les rangs de l'opposition et contrer notamment la troïka conduite par Ennahda. Visiblement non satisfaits d'avoir remporté la majorité à l'Assemblée constituante, les islamistes tunisiens organisent ces dernières semaines rassemblement sur rassemblement pour contraindre le pouvoir provisoire en place à opter pour la charia. Hier encore, le parti salafiste internationaliste Hizb Ettahrir (non légalisé), soutenu par une kyrielle d'associations religieuses, a rassemblé entre 8000 à 10 000 de ses partisans au centre de Tunis pour réclamer l'instauration d'une République islamiste. Reproduisant des scènes qui rappellent l'Algérie des années 1990 quand le Front islamique du salut (FIS) avait fait des rues algéroises son terrain de «jeu» favori, les manifestants vêtus de kamis ont scandé à gorges déployées : «Le peuple veut un Etat islamique. Le Peuple veut l'application de la charia.» «L'application de la charia est une obligation et non un simple slogan. Les musulmans appartiennent à une seule nation et la charia les réunit. Celui qui aime Dieu aime sa charia», pouvait-on lire aussi sur des banderoles brandies par les partisans de Hizb Ettahrir reconnaissables à leur longue barbe hirsute. En appelant hier ses fidèles à sortir en grand nombre dans la rue, Hizb Ettahrir, auquel le gouvernement Ennahdha vient de refuser l'autorisation d'activer, voulait surtout effacer des mémoires le rassemblement organisé à Tunis, le 20 mars, jour de la fête de l'indépendance, par la gauche tunisienne pour réclamer un «Etat civil moderniste et démocratique refusant les esprits rétrogrades». L'idée consistait à donner un aperçu de sa force et de sa détermination à réaliser le «projet islamiste». Béji Caïd Essebsi monte au front Le message est surtout adressé à l'ancien Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, (il avait dirigé durant dix mois le deuxième gouvernement intérimaire après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011) qui s'emploie à monter un front anti-Ennahda et à faire barrage à la mouvance islamiste. Disciple de l'ancien président Habib Bourguiba, Essebsi avait lancé, fin janvier, un message solennel à l'ensemble des forces évoquant une «régression» et pointant «l'apparition des formes extrémistes menaçant les libertés publiques et privés». Rejetant la violence, il avait déjà appelé à se rassembler autour d'une «alternative». A ce propos, plus de 50 partis politiques tunisiens se sont réunis samedi à Monastir pour resserrer les rangs de l'opposition et contrer notamment la troïka conduite par Ennahda. Organisé par l'Association nationale de la pensée bourguibienne, ce rassemblement a été marqué justement par la participation de Béji Caïd Essebsi. Dans un discours devant plusieurs milliers de personnes, M. Essebsi a préconisé un référendum pour «trancher en cas de besoin la question de l'application de la charia comme principale source de législation dans la future Constitution», pomme de discorde entre les islamistes et les modernistes. En attendant la construction de la grande alternative dont parle Béji Caïd Essebsi, plusieurs formations politiques libérales et de gauche ont déjà annoncé leur projet de fusion tels le mouvement Ettajdid, le Parti du travail tunisien et les Indépendants du pôle moderniste. D'autres, appartenant à la mouvance progressiste et centriste, sont en cours de finalisation comme le parti démocrate progressiste (PDP), Afek Tounes (les perspectives de la Tunisie) et le parti républicain. Regroupant 11 formations politiques, le Parti national tunisien a appelé aussi à une coalition des partis «destouriens» qui se réclament de l'héritage de Bourguiba, mais qui ont été également des membres du parti dissous de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).