Plus de huit mille islamistes ont manifesté dimanche dans le centre de Tunis pour réclamer un Etat islamique appliquant la charia et condamner la profanation d'objets et de lieux religieux, à l'appel d'associations islamiques, a-t-on constaté. Des chefs du mouvement salafiste, comme Cheikh Seifallah Ben Hassine, connu sous le nom d'Abou Yadh, ainsi que des imams ont aussi participé à cette manifestation. «Le peuple veut un Etat islamique », « le peuple veut l'application de la charia » (la loi islamique), scandaient les manifestants dont le nombre était estimé entre 8 et 10.000 par un officier de police sur place. « L'application de la charia est une obligation et non un simple slogan », « les musulmans appartiennent à une seule nation et la charia les réunit », « celui qui aime Dieu aime sa charia », pouvait-on lire sur des banderoles brandies par des partisans du parti non légalisé Hizb Ettahrir (parti réclamant l'instauration du califat). « Les Tunisiens qui s'opposent à l'application de la charia dans la future Constitution doivent savoir que seul l'islam garantit les libertés et les droits fondamentaux des êtres humains », a déclaré Mahdi Habib, cheveux gominés et habillé à la mode. Selon lui, « la modernité que des Tunisiens défendent n'a produit qu'un nombre élevé des enfants nés hors mariage, des crimes, des viols et toutes les formes de la corruption ». Le 20 mars, jour de la fête de l'indépendance, plusieurs milliers de Tunisiens s'étaient rassemblés avenue Bourguiba, la principale artère de la capitale, pour réclamer un Etat civil moderniste et démocratique refusant les « esprits rétrogrades ». Les manifestants de dimanche ont aussi condamné vivement la profanation du Coran et de lieux religieux, un « crime inadmissible » et un acte de « provocation », selon eux. Des corans avaient été retrouvés déchirés le 15 mars dans des mosquées de Ben Guerdane, ville du sud tunisien frontalière avec la Libye, et des oeufs jetés sur les murs. A Tunis, l'étoile de David avait été taguée sur les murs de la mosquée El Fath, d'où partent souvent les manifestations organisées le vendredi par la mouvance salafiste. Depuis quelques semaines, la scène politique est marquée par des tiraillements entre les islamistes, qui veulent l'application de la charia dans le futur texte fondamental du pays, et les modernistes et libéraux, qui réclament un Etat civil garantissant les libertés individuelles et publiques. Les deux parties ont organisé des manifestations qui se voulaient des démonstrations de force destinées à prouver que leurs partisans sont majoritaires dans la société.