Le désastre de la politique nationale de l'emploi se vérifie davantage. Face à un avenir incertain, les jeunes bénéficiaires des différents dispositifs de création de postes de travail se rebiffent. Et le silence du gouvernement ne fait qu'attiser leur colère. «Personne ne veut nous écouter. Les portes du ministère du Travail sont fermées à double tour. Y'en a marre de la précarité, nous exigeons l'intégration», clamaient plusieurs dizaines de jeunes employés dans le cadre des contrats de pré-emploi (CPE), du filet social et autres. Rassemblés hier devant la Grande-Poste, à Alger, les protestataires appellent les jeunes à boycotter les prochaines législatives en guise «de sanction» pour les responsables au pouvoir. «Pas de vote ! Pas de vote jusqu'à l'intégration», «Non à l'entretien de la misère !», scandaient en chœur ces jeunes qui ont répondu à l'appel du Comité national des travailleurs du pré-emploi et du filet social, affilié au Snapap. Arborant des pancartes et des banderoles sur lesquelles étaient transcrits des slogans dénonçant la politique de l'emploi adoptée depuis des années par le gouvernement, ces jeunes interpellent le ministre du Travail, le Premier ministre et même le président Bouteflika. «Nous sommes des indigènes, nous n'avons pas encore le statut de citoyens. Pendant la période coloniale, nos aïeux ont vécu la même situation. Ils étaient obligés d'accepter toutes les conditions de travail imposées par les colons, sinon ils étaient mis dehors. Notre gouvernement reproduit, aujourd'hui, le même schéma que nous sommes contraints d'accepter tel quel», dénonce un jeune contestataire. Selon la porte-parole de ce comité, Malika Falil, ils sont plus de 600 000 jeunes à travers le territoire national à souffrir de cette situation précaire. «Ce sont des contrats de pré-chômage et non de pré-emploi. Les bénéficiaires de ces contrats de la honte sont des candidats au chômage», lance-t-elle. Malika Falil rappelle également que la seule réponse des autorités à leurs revendications est la «répression». «La dernière fois à Sétif, les jeunes protestataires ont été violemment malmenés par des policiers. Pourtant, nous ne revendiquons que notre droit à un travail digne. Les contrats proposés aux jeunes diplômés n'honorent pas un pays comme l'Algérie qui dort sur 170 milliards de dollars de réserves», déplore-t-elle. Les jeunes contestataires ont même réussi à gagner la sympathie des passants, qui se sont déclarés solidaires avec eux. «Ils ont tout à fait raison. Nos jeunes n'ont qu'un seul avenir, c'est la prison», persifle une vieille en réponse à un policier qui lui demandait de quitter les lieux. La protestation de ces jeunes remet sur le devant de la scène la problématique de la politique de l'emploi en Algérie. L'on se souvient qu'en 2008, le ministre du Travail, Tayeb Louh, avait officiellement reconnu l'échec des dispositifs de l'emploi, en particulier le CPE. «Le taux d'intégration des bénéficiaire du CPE dans le monde du travail est de 12% seulement», avait-il avoué. Les nouveaux dispositifs créés depuis cette date pour remédier à cet échec n'ont toujours pas fait l'objet d'une évaluation.