Aucune des rébellions touareg précédentes n'a provoqué autant d'inquiétude et de peur chez la population du Nord-Mali, notamment de Kidal, que celle qui prévaut actuellement. AQMI, son rival Ançar Eddine, les militaires, des contrebandiers, des cartels de la drogue et enfin les combattants du Mouvement pour la libération de l'Azawad (MNLA), tous présents sur les lieux, constituent autant d'ingrédients qui rendent la situation plus complexe et plus difficile à maîtriser. Hier, des informations contradictoires faisaient état de la chute de Kidal, tantôt entre les mains des combattants du MNLA, tantôt entre celles d'Ançar Eddine, un groupe dont l'entrée en scène fait craindre le pire dans la mesure où il risque de pousser à l'affrontement avec les cadres du MNLA. En effet, en annonçant, il y a deux jours la prise de Kidal pour y instaurer la charia, Ayad Ag Ghaly a jeté un pavé dans la mare et suscité les plus vives inquiétudes. A la tête de quelque 200 éléments bien armés, recrutés parmi les contingents rentrés de Libye et des dissidents d'AQMI, Ag Ghaly faisait partie de la direction du MNLA, mais son ambition dévorante l'a poussé à s'illustrer en créant le groupe Ançar Essuna, au début, puis Ançar Eddine, soi-disant pour contrecarrer la mouvance salafiste incarnée par AQMI. Ses nombreuses sorties médiatiques lui ont valu une convocation à Tessalit, par les cadres dirigeants du MNLA qui l'ont mis en garde contre toute idée de saper les objectifs de leur organisation, à savoir la libération du territoire et non pas son islamisation. En clair, ils lui font savoir le caractère suicidaire de sa démarche et menacent de lui barrer la route, le cas échéant, par les armes, si jamais il adopte le jusqu'au-boutisme. Pourtant, il y a deux jours, son organisation annonçait dans un communiqué sa prise de Kidal, alors que les troupes du MNLA affirmaient qu'elles étaient déjà sur place et que les militaires déclaraient avoir repoussé une attaque des rebelles. Une telle action aura des incidences graves sur les événements parce qu'elle augure des affrontements entre le groupe Ançar Eddine et les combattants du MNLA. Du côté des bases militaires, celles-ci sont dans leur majorité abandonnées par les soldats, encourageant ainsi les rebelles à faire de nouvelles percées sur les trois quarts du territoire malien. Reçu hier par le chef de la junte, le capitaine Sanogo, président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE), s'est entretenu avec le président de l'Assemblée régionale de Kidal, Homeny Belco Maïga, et dans une déclaration publique, ce dernier lui a exprimé son soutien en disant : «Nous sommes très confiants et soutenons le président Sanogo et le comité. Le président a pris l'engagement de tout faire pour sécuriser la région et la ville de Kidal. Nous avons aussi pris l'engagement de nous battre aux côtés des forces armées et de sécurité.» Des propos qui laissent croire que la ville est toujours entre les mains des forces armées, mais risque d'être le théâtre de violents affrontements.