Le nouveau maître de Bamako, le capitaine Amadou Sanogo, a annoncé hier son intention de négocier avec les combattants du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et dénoncé les scènes de pillage enregistrées la veille dans la capitale. La situation reste néanmoins très confuse. Au nord, les rebelles contrôlent la ville d'Anefis, située sur l'axe Kidal-Gao, au moment où le groupe islamiste Ançar Eddine annonce la prise imminente de Kidal. Le capitaine Sanogo, chef de la junte militaire qui dirige le Mali depuis jeudi dernier, s'est déclaré prêt à négocier la situation au nord de son pays, en précisant : «Je ne suis pas là juste pour équiper l'armée malienne et aller tuer tout sur le passage. Je ne suis pas un homme de ce genre, si la négociation s'engage demain matin. C'est cela que je souhaite, parce que je veux un Mali uni pour le bien-être de tous.» Des déclarations qui viennent à contre-courant de celles qui ont motivé son acte de désobéissance. Le capitaine s'est rebellé contre son commandement pour exiger des armes et aller combattre le MNLA au nord du pays. Sa volte-face d'hier intervient au moment où ce subalterne de la caserne de Kati contrôle plusieurs positions militaires dans le pays. Tout de suite après cette sortie, des responsables du MNLA se sont déclarés, eux aussi, prêts à négocier, mais avec «un pouvoir légitime et soutenu par toute la classe politique et avec la garantie de grandes puissances». Pour eux, les opérations militaires vont se poursuivre afin que «tout le territoire de l'Azawad soit libéré». Anarchie totale A ce titre, il est important de préciser que sur le terrain, profitant de la confusion totale qui règne dans les casernes, le MNLA s'est emparé de la plupart des campements militaires abandonnés par les soldats dans le sud de leur territoire. La ville d'Anefis est totalement contrôlée par les rebelles après que les militaires l'aient abandonnée pour «des raisons tactiques». Dans son dernier communiqué rendu public hier, le MNLA a réaffirmé sa volonté de continuer ses opérations pour «libérer» le territoire de l'Azawad tout en «mettant en garde contre toute atteinte dirigée contre les civils». A ce climat de guerre est venue se greffer une nouvelle et inquiétante donne : le mouvement islamiste de l'Azawad, ou plutôt le groupe Ançar Eddine dirigé par Ag Ghaly, en a surpris plus d'un en annonçant lui aussi son avancée sur la ville de Kidal où il espère instaurer la charia. Ag Ghaly, membre fondateur de la rébellion des années 1990, devient très gênant pour le MNLA, qui milite pour un Etat laïque. Ag Ghaly est connu comme étant l'homme fort de la région pour ses contacts assez larges non seulement avec Al Qaîda pour laquelle il a souvent sous-traité les rançons pour la libération d'Occidentaux pris en otages, mais aussi avec les contrebandiers en tout genre et le cartel de la cocaïne. Son entrée en scène va certainement brouiller toutes les cartes. Elle risque même d'ouvrir de nouveaux fronts dans le Nord. L'anarchie dans laquelle se trouve l'armée malienne n'a fait qu'ouvrir des brèches pour les scénarii les plus pessimistes. La classe politique malienne, redoutant une escalade de la violence et surtout la partition du territoire, a réagi hier en dénonçant le coup d'Etat et en réclamant la tenue au plus tôt de l'élection présidentielle prévue initialement en avril. Dans un communiqué diffusé hier après-midi, dix partis politiques, dont l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), principal parti du pays, ont condamné «cette prise de pouvoir par la force qui constitue un revers majeur pour notre démocratie». Pour bon nombre des politiques maliens, «le jeu n'est toujours pas fermé en raison du silence des officiers supérieurs de l'armée, restée en dehors du coup d'Etat». Selon eux, les putschistes n'ont toujours pas réussi à rallier à eux l'ensemble de l'institution militaire. Dans leur quartier général, à Kati, d'où l'insurrection a démarré, seuls quelques colonels de l'armée, des soldats, hommes de troupe, gendarmes, policiers et quelques paras sont visibles dans l'entourage du capitaine Sanogo, qui dirige le CNRDRE. Pour réussir sa mission, ce dernier a pris contact hier avec de nombreux leaders de la société civile et politique malienne. Objectif : rallier le maximum de la société civile à son acte et réussir ainsi son coup d'Etat. La réaction publique des dix partis politiques les plus importants dans le pays risque de faire tache d'huile et de provoquer ainsi le contraire de ce que le capitaine Sanogo espérait obtenir, même si au fond, les deux (le capitaine Sanogo et les dix partis) revendiquent la paix au Nord et la tenue rapide des élections démocratiques. Le capitaine Sanogo se retrouve isolé après la sévère condamnation de sa démarche par la communauté internationale, à commencer par les voisins, dont l'Algérie, mais aussi ses bailleurs de fonds comme l'Union européenne, les Etats-Unis ou encore l'Union africaine et la Cédéao.