La junte militaire qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) est doublement défiée. A Bamako, un front du refus rassemblant pratiquement toute la classe politique malienne réclame le départ de la junte. Au nord, Kidal est l'objet d'une course au jackpot entre le MNLA et Ançar Eddine. Créé dimanche, le «Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FUDR)» a organisé, hier lundi, la première manifestation publique contre la junte en rassemblant plus d'un millier de personnes dans la capitale. «Sanogo dégage» ont clamé les manifestants à la Bourse du travail en s'adressant directement au chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo. Les manifestants ont réclamé la «libération» de l'Ortm, la radiotélévision publique tombée entre les mains des putschistes, et le «retour à l'ordre constitutionnel». Le FUDR regroupe 38 partis politiques et syndicats qui contestent le putsch et le qualifient, selon la formule d'un de ses dirigeants, «d'acte réactionnaire le plus bas de toute l'histoire du Mali». Outre la manifestation organisée hier, le FUDR pourrait appeler à la «désobéissance» civile. La solitude des putschistes est presque totale et certains d'entre eux chercheraient une voie de sortie en se disant prêts à des négociations pour un rétablissement des institutions contre l'assurance de ne pas être sanctionnés. Cette option n'est cependant pas certaine. Mais les putschistes sont sans soutien au sein de la classe politique. Celle-ci se considère visée par le putsch, le mandat d'ATT arrivant à expiration. Une analyse confortée par le fait que les putschistes n'ont donné aucune indication sur le respect de l'échéance de l'élection présidentielle dont le premier tour était prévu le 29 avril prochain. « Nous ne tolérons pas aujourd'hui qu'on hypothèque la démocratie si chèrement acquise», a déclaré Siaka Diakité, SG de l'Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). A l'université, des centaines d'étudiants ont également manifesté contre la junte. Le seul soutien politique à la junte vient d'un ancien leader étudiant, Omar Mariko, chef du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi), qui a lancé le «Mouvement populaire du 22 mars». «Nous soutenons la junte. Elle est venue pour rétablir l'ordre. Il faut avoir un fichier (électoral) propre pour aller aux élections, donc ça prendra le temps que ça prendra», a déclaré Oumar Mariko qui semble avoir l'ambition de diriger «sans état d'âme» un gouvernement de transition sous l'autorité de la junte. LE JACKPOT DE KIDAL Au nord où la rébellion targuie s'étend, Kidal est toujours sous pression et encerclée par le groupe Ançar Eddine. Certaines sources indiquent que les désertions de militaires qui rejoignent le MNLA se multiplient. On parle d'un groupe de 22 soldats et d'un officier qui ont rejoint la rébellion avec arme et bagage. Selon l'agence Xinhua, une patrouille commune de l'armée et du «Gandoïso» (milice d'autodéfense) est tombée dans une embuscade meurtrière des rebelles entre Goundam et Ménaka. Il y aurait plusieurs morts et blessés graves. Le seul facteur qui entrave la chute rapide de Kidal serait les divergences entre Ançar Eddine et le MNLA. Les deux groupes sont en compétition en cherchant à s'octroyer le bénéfice politique et logistique d'une prise de Kidal. Ançar Eddine semblait avoir pris les devants en annonçant dans un communiqué que «nous allons prendre très bientôt nos terres de Kidal, dans l'Adrar des Iforas, berceau des Touareg». Cela ne s'est pas fait encore. Certains s'attendent à une confrontation entre les islamistes d'Ançar Eddine et le MNLA, lequel cherche à éviter tout soupçon de proximité avec les islamistes et Aqmi. CRISIS GROUP: ORGANISER UNE ELECTION PRESIDENTIELLE CREDIBLE A signaler que Crisis Group a publié un point de situation sur le Mali appelant la communauté internationale à rester unanime dans «l'affirmation du double principe du refus d'une prise de pouvoir inconstitutionnelle et du respect de l'intégrité territoriale du Mali, alors que les groupes établis au Nord sont naturellement tentés de profiter de la confusion politique à Bamako». Crisis Group estime néanmoins que les condamnations ne suffisent pas. «La Cedeao, l'UA et l'ONU doivent créer le plus rapidement possible les conditions d'un dialogue entre acteurs politiques, civils et militaires du Mali dans l'objectif de mettre en place une autorité de transition qui ne devra, en aucun cas, accorder un rôle central, ni même prépondérant, aux auteurs du coup d'Etat. Le débat public démocratique devra reprendre là où les putschistes l'ont arrêté. Il doit porter sur les options possibles pour organiser une élection présidentielle crédible le plus vite possible».