La liberté de la presse est-elle une arme ?» est la question à laquelle ont tenté de répondre Omar Belhouchet, directeur d'El Watan, et Jean-François Kahn, journaliste et écrivain, au cours d'un débat tenu hier dans le cadre du colloque Marianne/El Khabar. «L'expérience des médias algériens prouve que le journalisme est un contre-pouvoir que l'autoritarisme veut juguler à tout prix», entame M. Belhouchet. Les médias – unique voix qui tranche des discours officiels – sont parfois les seuls à pouvoir mettre en lumière les maux d'un pays. «Dans un pays où l'appareil d'Etat monopolise la scène publique et médiatique, les journaux privés ont parfois joué le rôle d'opposition afin de critiquer la mauvaise gestion, la corruption, la mainmise clanique sur les ressources d'un pays. La preuve que la presse est une arme, sont les efforts déployés par le pouvoir afin de faire taire ses voix discordantes», explique le directeur d'El Watan. Rappelant le lourd tribut payé par les journalistes algériens depuis la création de la presse indépendante du fait du terrorisme, mais aussi de la répression politico-militaire, M. Belhouchet estime que ces intimidations perdurent : «L'appareil d'Etat a trouvé d'autres méthodes et mécaniques pour affaiblir les entreprises de presse. L'on joue sur les finances et la survie de ces organes, l'on marchande la publicité, les coûts d'impression, où l'on restreint l'accès à l'information, ce qui a pour résultat des enquêtes incomplètes et des poursuites en justice.» «Ce qui nous semble évident en France ne l'est pas en Algérie», commente le modérateur Max Armanet, organisateur des forums. «Tous les journalistes ne sont pas des héros. Mais ils peuvent aussi l'être, comme certains en Algérie», lance Jean-François Kahn. Et la meilleure illustration en est la guerre d'Algérie et la façon dont elle a été traitée par la presse française. «Nous célébrons le cinquantenaire d'un cauchemar pour la France. Combien de gens sont-ils morts de par les assentiments, les aveuglements, les lâchetés d'une certaine presse ?», s'interroge M. Kahn, qui était envoyé spécial à Alger de Paris Presse de mars à septembre 1962. «Il n'était pas question d'avoir une opinion politique ou militante. Mais juste de dire ce qui se passait vraiment, de faire son métier. Et le drame n'aurait pas duré autant et toutes les conséquences qui en ont découlé n'auraient pas été aussi féroces», affirme-t-il. D'où l'hommage à rendre à la lutte héroïque d'une presse minoritaire qui «a fait que le droit et le courage gagnent». Mais ce n'est pas pour autant le rôle du journaliste de faire l'histoire. «Mais les médias ont un rôle dans la vérité de l'histoire, dans le témoignage», s'accordent à dire les conférenciers. «C'est grâce à la presse indépendante que des pans entiers de l'histoire de la guerre d'indépendance ont ainsi été rendus publics, car occultés par les voix officielles», conclut M. Belhouchet.