A quelques jours du début de la campagne électorale pour les législatives du 10 mai, la question de son financement n'a toujours pas été tranchée au niveau des partis politiques. Si certains avouent devoir compter sur les cotisations des adhérents et autres participations des sympathisants, d'autres, en revanche, se disent encore dans l'expectative et en appelle à l'aide de l'Etat. Les hommes d'affaires et autres industriels, qui représentent une alternative non négligeable, rechignent officiellement à mettre leur argent dans la bataille. Entre les chefs d'entreprise et les partis, la confiance est loin de régner, la faute à des pratiques opaques qui ont entaché la réputation des uns et des autres. Habib Yousfi, président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), se dit «contre l'idée de financer des partis», estimant que «ce financement a jusque-là été occulté». Et pour cause, les informations sur des individus qui ont financé des formations politiques en contrepartie d'une position sur une liste électorale relèvent de la notoriété publique et cela «dévalorise les partis politiques», selon M. Yousfi, pour qui rien ne sera fait «tant que nous n'aurons pas de vision claire sur le programme économique des partis». Pour Abdelaziz Mhenni, président de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA), les réserves sont ailleurs. «Nous sommes le partenaire social de l'Etat et nous sommes donc partie prenante dans toutes les questions qui concernent l'intérêt national.» Il n'est donc pas question de soutenir l'opposition, d'autant que l'organisation est à caractère économique et n'a à ce titre pas vocation à faire de la politique. Toutefois, précise M. M'Henni, «il est libre à chacun, même de membre de l'organisation d'aider des partis s'il le souhaite, à titre individuel, la loi ne l'interdit pas». Pour l'heure, dit-il, aucun membre de la CIPA ne l'a fait et aucune formation politique «ne nous a sollicités», mais «s'il y a un homme d'affaires qui souhaite s'engager dans un parti pour ses propres intérêts, il a le droit de la faire». D'autant plus qu'aujourd'hui «les partis vendent leurs places en contrepartie de financements et l'Etat laisse faire». Et des hommes d'affaires qui s'engagent en politique, ce n'est pas cela qui manque. Selon le porte-parole du Parti des travailleurs, Ramdane Tazibt, «les hommes d'affaires et les importateurs composent plus de 10% de l'APN» et leur pouvoir ne serait pas négligeable, puisque, a-t-il expliqué, «le lobby des importateurs de la friperie a abouti à convaincre des députés à voter le maintien de ce créneau». La connivence entre l'argent et la politique n'est pas à démontrer et pour certains partis qui viennent de voir le jour, rechercher le soutien des hommes d'affaires, importateurs, industriels, etc., est presque une nécessité, bien qu'officiellement, ils se défendent d'être mus par une telle volonté. Intérêts et convictions «Nous sommes ouverts aux hommes d'affaires, mais pas exclusivement à eux. La majorité de nos militants ne le sont pas d'ailleurs», explique Idriss Rebouh, responsable de la communication du Front pour le changement. «Même si nous en avons dans nos rangs, ce ne sont pas forcément de gros hommes d'affaires, ils peuvent être des commerçants, des importateurs», dit-il. En tout état de cause, «ceux qui sont avec nous le sont par conviction, parce qu'ils adhèrent à nos idées et à notre idéologie». Du côté de Moussa Touati, président du Front national algérien, c'est quasiment le même son de cloche : «Nous n'avons qu'une douzaine d'hommes d'affaires sur nos listes, mais nous avons plus de 400 fonctionnaires et même des chômeurs». Personne «n'est obligé de mettre des centaines de millions de centimes pour être sur une liste chez nous. Même ceux qui cotisent avec 100 DA ont cette possibilité». Pourtant, M. Touati n'a eu aucun mal à déclarer il y a quelques semaines que «les candidats qui veulent figurer sur une liste doivent émettre sur le compte bancaire du parti des sommes oscillant entre 100 et 500 millions de centimes, afin de financer la campagne électorale». Une déclaration qu'il ne regrette aucunement puisque, dit-il, «nous préférons le dire clairement, au lieu de faire cela sous la table comme d'autres le pratiquent dans d'autres partis» et d'ajouter : «Nous n'avons forcé la main à personne». Si le FNA le dit aussi clairement, c'est parce que les pratiques occultes sont répandues et la référence à l'argent, n'est pas toujours liés aux hommes d'affaires et autres industriels. Si les partis se défendent évidemment d'avoir recours à ces financements, ils ne nient pas pourtant leur existence. «Nous n'avons pas une stratégie qui consiste à aller chercher l'argent des hommes d'affaires, mais il est vrai qu'il y en a qui viennent nous voir dans l'espoir d'utiliser leur argent pour acheter des places sur nos listes», nous dit M. Rebouh. «Depuis que c'est l'ouverture devant la création des partis, les gens achètent des voix très facilement surtout quand ils trouvent de petits partis qui ont besoin d'argent». Hamlaoui Akouchi, du Rassemblement de l'Algérie verte, reconnaît qu'«il y a des gens qui sont venus avec des milliards nous proposer leur argent pour être sur nos listes, mais nous n'avons pas accepté. C'est des gens qui ont l'habitude de corrompre et d'être corrompus». «Une candidature, ça se paye, tout simplement. On l'achète aujourd'hui, comme on achète des registres du commerce», affirme pour sa part, M. Touati, qui en veut pour preuve le fait que des partis qui «viennent d'être agréés puissent avoir les moyens de présenter des listes sur toutes les wilayas». Ce qui n'aurait pas été possible n'était les financements douteux, laisse-t-il entendre.