Pas d'enquête parlementaire sur l'affaire Merah ! Le pouvoir en place n'en veut pas. Le ministère de l'Intérieur détourne l'attention en annonçant hier soir l'expulsion d'islamistes radicaux, parmi eux un Algérien. Lyon (France) De notre correspondant N'y aurait-il donc rien à ajouter après la mort de Mohamed Merah, abattu sous la qualification de terroriste à Toulouse par le RAID ? Depuis ce jeudi 22 mars où l'assaut avait été donné contre l'appartement du présumé tueur, le voile est maintenu sur les «zones d'ombre», comme certains journaux s'en étaient inquiétés. Pourtant, les ministres de l'Intérieur, Claude Guéant, et de la Défense nationale, Gérard Longuet, ont interdit, vendredi dernier, l'audition des chefs des services de renseignement organisée par le Sénat après les tueries de Mohamed Merah. En démocratie républicaine, alors qu'il y a eu sept morts du fait des assassinats de l'homme au scooter, puis l'élimination brutale du suspect n°1, non jugé préalablement par une instance judiciaire, le Sénat est-il habilité à entendre les chefs du renseignement ? Une enquête souveraine par les instances réglementaires de la représentation nationale lèverait toutes les ambiguïtés qui commencent à voir le jour et répondrait aux questions posées dans cette affaire. Dès vendredi soir, le président du Sénat a dit avec autorité que l'interdiction ministérielle «constituerait un grave précédent, mettant en cause les prérogatives constitutionnelles du Sénat de la République». Lundi matin, le sénateur socialiste de Paris a appelé, sur Europe1, les ministres de l'Intérieur et de la Défense à «revenir sur cette interdiction».Y aurait-il quelque chose à cacher, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle ? Que Merah n'était pas seul ? Qu'il n'a rien à voir dans cette affaire ? Qu'il n'a pas été suivi avec tout le sérieux nécessaire, alors que les menaces terroristes n'ont jamais été écartées ces dernières années en France, selon les propos des ministres successifs ? Rappelons à ce sujet que le plan Vigipirate est toujours en vigueur. Que Merah, une fois localisé, aurait pu être arrêté sans bruit, alors que le suspect ignorait qu'il l'était ? Pourquoi enfin une telle disproportion de moyens alors que le jeudi final de la traque, Merah avait tiré 30 balles, alors que les policiers en avaient tirés 300 ? Les chefs des renseignements devraient-ils répondre à la rumeur que Merah ait pu être utilisé comme «indic» par ces services ou par «d'autres services français ou étrangers» ? Comme la défenseure de la famille Merah l'a estimé depuis Alger. Dans tout ce qu'on peut lire ces derniers jours dans la presse, dans des surfaces de plus en plus réduites, on apprend que Merah avait sur son compte des sommes importantes, lui qui survivait de petits boulots et du RSA (revenu de solidarité active, autour de 300 euros mensuels). D'où venait cet argent ? De groupes terroristes ou d'ailleurs ? Des islamistes radicaux expulsés de France Pour répondre à cette foultitude de questions, il faudrait une enquête libre et indépendante. C'est ce qu'a demandé le père de Mohamed Merah, par le biais de son avocate (lire notre précédente édition). Pour toute réponse, le pouvoir remet sur le tapis l'affaire des islamistes interpellés la semaine dernière. Le dernier épisode est intervenu hier soir, avec l'annonce par le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, de l'expulsion d'islamistes «pour atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat». Parmi eux un militant islamiste de nationalité algérienne et un imam de nationalité malienne renvoyés dans leur pays d'origine, tandis qu'un imam saoudien a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion. Un militant islamiste de nationalité tunisienne et un imam turc «feront prochainement l'objet d'une procédure d'expulsion», précise le ministère. Parallèlement, la France avait décidé jeudi dernier d'interdire la venue sur son territoire de quatre prédicateurs conviés au rassemblement annuel de l'Union des organisations islamistes de France (UOIF) du 6 au 9 avril au Bourget. Les questions sur l'affaire Merah pourront attendre, sur les bandes vidéo (dont des fausses circulent sur la Toile), comme l'identité du troisième homme qui aurait activé avec Mohamed Merah et son frère Abdelkader, écroué.