Les Algériens se passionnent beaucoup plus pour l'élection présidentielle française dont ils suivent les chauds débats et les analyses via la parabole que pour les législatives en Algérie. Alors que là, on scrute les cotes de popularité des principaux candidats les mieux placés dans la course électorale et les intentions de vote comme on surveillerait le lait sur le feu, on fait ici, chez nous, paradoxalement, peu de cas de ce qui se dit et se fait dans la perspective de la tenue du prochain scrutin. A quelques semaines du scrutin, il n'y a pour l'heure, dans le débat public de précampagne, aucun signe annonciateur d'une fièvre électorale qui crédibiliserait cette élection. Les pouvoirs publics autant que la classe politique engagée dans cette élection éprouvent manifestement de réelles difficultés à mobiliser l'électorat autour de cet événement politique, que l'on n'a pas hésité à qualifier officiellement de «scrutin historique». Le président Bouteflika n'a-t-il pas comparé le prochain scrutin du point de vue de la symbolique politique à l'esprit libérateur de Novembre 1954 ? Le syndrome de la fraude électorale qui a nourri les réflexes abstentionnistes, tel que cela s'était encore vérifié lors de l'élection présidentielle de 2009 où le taux de participation n'avait pas atteint les 40%, explique-t-il ce manque d'intérêt manifeste pour ce scrutin de la part des citoyens ? Le sujet ne semble intéresser que les états-majors des partis engagés dans la course électorale et leurs militants. Pour le reste, l'esprit et les préoccupations sont ailleurs. Les engagements du pouvoir qui a multiplié les gages pour convaincre de sa bonne foi d'organiser cette fois-ci un scrutin régulier en acceptant ce qu'il a toujours obstinément refusé par le passé : recevoir les observateurs internationaux, libérer jusqu'à l'overdose les agréments des nouveaux partis, les promesses de réformes politiques ; tous ces engagements et d'autres ne paraissent pas avoir changé quoi que ce soit dans la perception que se font les algériens par rapport au prochain scrutin et à leur rapport distant, empreint de méfiance, voire de défiance, à la chose politique et à la classe politique d'une manière générale. Le divorce entre le pouvoir et la société est tellement consommé depuis de longues années avec le truquage des élections, devenu une seconde nature pour le système politique algérien, la précarité et la désespérance qui gagnent désormais même les couches moyennes, qu'il faudra plus que des appels pathétiques des pouvoirs publics à la conscience civique des citoyens pour les inciter à se rendre massivement aux urnes, le 10 mai prochain. Pour convaincre l'électorat que son vote ne sera pas détourné une fois de plus. Le climat de fronde qui a gagné le cœur même du dispositif électoral – les membres de la Commission de surveillance des élections – n'est pas pour rasséréner l'électorat que le prochain scrutin ne sera pas un simple remake des précédents. En cela, la prochaine échéance électorale se présente non pas tant comme un test pour la démocratie en Algérie, comme on tente de le faire accroire dans le discours officiel, mais bien plus une épreuve de vérité pour le pouvoir. C'est à l'aune du niveau de participation électorale et de la transparence du scrutin que l'on pourra objectivement mesurer et apprécier la profondeur et la portée réelle des réformes politiques annoncées par le président Bouteflika.