L'achat et la vente de places sur les listes de candidatures à la députation sont des pratiques courantes qui reflètent une absence d'éthique de certains acteurs polluant la scène politique. Dans différentes wilayas, on signale le recours par certains partis à cette honteuse opération de mise aux enchères des places «dorées» de la Chambre basse dès l'approche des élections. Nos correspondants à l'intérieur du pays nous rendent compte de ce phénomène encouragé, nous disent-ils, par l'apparition des «arrivistes de la politique». A Chlef, la ch'kara, cette forme de corruption politique bien de chez-nous, a fait une entrée fracassante dans la confection des listes de candidats aux prochaines législatives. Tout le monde en parle, tant elle s'est invitée dans les débats, reléguant en seconde position les grands enjeux de ce scrutin et les préoccupations majeures des citoyens. D'après un militant très au fait de ce phénomène, 30% des listes de candidats seraient «parrainées» par des milieux d'affaires. Pourquoi ? Parce que «ces derniers veulent tout simplement garder leurs relais dans les sphères du pouvoir», dit-il. Il cite également certains postulants qui ont dû, selon ses dires, monnayer leur place (tête de liste s'entend) pour des considérations connues de tous. A Béchar, l'argent est à l'origine de la discorde entre les militants de la base et la direction d'un parti, ayant déjà beaucoup de députés au sein de l'Assemblée sortante. Le président du bureau de wilaya et les activistes de ce parti ont décidé de geler leurs activités le jour du lancement de la campagne électorale pour les élections législatives, a déclaré le responsable de wilaya de cette formation politique. Ce mouvement de protestation fait suite au refus de la direction de cette formation de positionner en tête de liste le responsable du bureau de wilaya. «Le président du parti m'a exigé la somme d'un million de dinars pour conduire la liste du parti dans la wilaya», a indiqué le responsable local de cette formation. Il accuse le président du parti de l'avoir fait remplacer par un président d'APC qui aurait déboursé la somme de 4 millions de dinars pour les besoins de la campagne électorale, affirme-t-il. Ce parti est présent dans une vingtaine de communes de la wilaya et compte de nombreux militants au niveau des instances locales APW et APC. A Tiaret, ce même chef de parti a établi un tarif pour figurer en tête de liste. Le secrétaire du bureau de wilaya de cette formation politique a publiquement annoncé sa candidature en ouvrant les enchères pour ceux et celles qui voudraient suivre dans la liste. Le 2e a été, comble de l'ironie, choisi par son frère. Il a été parachuté, puisqu'il vit dans une wilaya voisine. Les représentants locaux d'un autre parti n'ont pas daigné suivre le chef de cette formation dans son exigence de payer un million de dinars pour figurer en bonne place dans la liste et ont démissionné. Un autre parti a vu ses fondateurs se retirer collectivement en signe de désapprobation du parachutage d'une personnalité ayant pignon sur rue. Autre fait marquant : la responsable locale d'un parti, depuis onze années, s'est vue éjecter à cause d'une liste concoctée par la présidente de cette formation. Plus discrets, les anciens partis ne sont pas indemnes de ces pratiques. Des langues se délient pour relater des cas de «services rendus» ou de copinage pour l'établissement des listes. A Mostaganem, la confection des listes indépendantes n'a pas été de tout repos. En effet, devant l'obligation de réunir pas moins de 3600 signatures afin de pouvoir déposer une liste, les nombreux candidats indépendants ont dû suer pour rassembler un aussi grand nombre de citoyens. Seuls ceux disposant de moyens financiers conséquents sont parvenus à contourner cet écueil ; n'hésitant pas à débourser des sommes colossales en contrepartie du fameux sésame. Cependant, à l'approche des échéances, ils ont été nombreux à changer de stratégie en préférant s'abriter sous la coupe d'un parti politique afin de s'assurer une participation au scrutin. Par ailleurs, ils ont été plusieurs, entre anciens députés éjectés de leur parti et riches hommes d'affaires, à se mettre sous la coupe d'une formation politique. On a même vu un parti remplacer, à l'ultime instant, sa première liste par une autre certainement plus généreuse. Mais à Mostaganem, le must du must fut incontestablement l'apparition d'une nouvelle spécialité dont le métier consiste à faire l'entremetteur entre des candidats en quête de parrainage et des partis en quête de candidats fortunés. Certaines places se seraient monnayées en millions de dinars. A Oran, figurer sur une liste qu'elle soit indépendante ou de partis politiques nécessite aussi la «ch'kara». Pour les indépendants, le premier sur la liste est toujours une personne connue jouissant d'une notoriété. Le financement de la campagne électorale nécessite de grands moyens. «J'ai fait appel à un entrepreneur qui dispose de moyens importants pour assurer le financement de ma campagne électorale. Il a exigé la deuxième place sur la liste, on a convenu ainsi», a confié le président d'une liste indépendante. Cet entrepreneur devra consacrer dix millions de dinars à la campagne électorale, nous confie-t-on. «Une jeune femme, n'ayant pas réussi à collecter les 7200 signatures de parrainage pour la liste où elle était classée en pole position, s'est vue demander la somme d'un million de dinars pour figurer en troisième place dans une liste représentant un nouveau parti politique. Si pour les premières places les candidats ont été invités à payer, pour les dernières places, autrement dit pour les «figurants», c'est le contraire. «Si on m'utilise pour le remplissage, il vaut mieux que je me fasse payer», dit un figurant sur la liste d'un nouveau parti politique. Ce dernier a reçu 20 000 DA pour l'utilisation de son nom dans cette liste.