La marche sur Alger, programmée par les rappelés du service national durant la décennie noire, a été empêchée par les services du maintien de l'ordre. Quelque 3000 personnes ayant répondu à l'appel de l'organisation des rappelés et leurs délégués, ont été «refoulées» à la gare routière interwilayas d'Alger. Des bus ont été interdits d'accès à la capitale pour empêcher des membres de cette organisation de rejoindre leurs «camarades» dispersés. C'est donc à la gare routière que les rappelés de l'ANP ont tenu leur rassemblement, exprimant leur déception et leur ressentiment face à ce qu'ils qualifient «d'oubli et d'ingratitude». Les délégués dénoncent la répression de leur mouvement de protestation décidé, à l'unanimité, le 31 mars dernier, malgré la réticence des délégués de certaines régions telles que Constantine et Tizi Ouzou. «Le refus est dicté par notre souci d'éviter toute stigmatisation et tout débordement pouvant nous porter préjudice», explique M. Cheni, délégué de Tizi Ouzou. Mais la majorité a opté pour une marche qui sera finalement réprimée par les forces de l'ordre qui ont tenu à faire de la capitale une zone interdite pour les protestataires venant des autres wilayas. «Ironie du sort» lance un protestataire. «Hier, quand le pays était à feu et à sang, c'étaient nous qui avions tout quitté pour répondre à l'appel de la patrie et aujourd'hui, on me demande tout simplement de rejoindre ma wilaya. C'est indécent de la part d'un gouvernement dont le devoir est de reconnaître les sacrifices de toute une génération de jeunes», soutient-il. «Nous voulons juste une reconnaissance de nos sacrifices. Des personnes ont perdu leur vie en faisant face au terrorisme, leurs familles les pleurent encore. D'autres ont perdu leur poste de travail en répondant à l'ordre de rappel, d'autres portent des séquelles à vie. Et tout ça, tout le monde l'a oublié», s'emporte un délégué. «La reconnaissance, c'est accorder un statut de victime de la tragédie nationale à ces rappelés. Des terroristes ont été libérés et indemnisés sans aucun égard aux crimes commis, au moment où nous, nous luttons pour une réhabilitation dans nos droits, aucun responsable ne daigne répondre à nos appels», explique un groupe de protestataires. Dans la plateforme de revendications remise par cinq délégués au service du Premier ministre, les rappelés de l'ANP exigent la reconnaissance des sacrifices consentis par cette catégorie et son intégration parmi les victimes de la tragédie nationale pouvant bénéficier des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. «Les responsables de notre dossier au niveau du ministère de la Défense nationale nous ont promis une prise en charge sanitaire et une indemnisation morale et matérielle, ainsi qu'un statut de prioritaire dans l'accès à l'emploi et au logement», rappellent les protestataires. Les délégués se disent «décidés à maintenir la pression jusqu'à l'aboutissement de nos revendications», affirme M. Nacereddine, délégué de Jijel. Les protestataires préviennent que les promesses orales des différents responsables ne seront pas prises en compte. «Nous exigeons des décisions écrites dans le Journal officiel», soulignent-ils. Avant de se disperser, les protestataires se sont donné rendez-vous pour le 15 avril afin d'évaluer l'impact de marche avortée et de décider des suites à donner à l'action de protestation.