Le spectre de la grippe aviaire a asséné un coup dramatique à la filière avicole. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, où cette activité fait vivre des centaines de familles, les éleveurs sont unanimes à prédire des lendemains plus sombres. Depuis que le virus H5N1 bouleverse l'actualité et fait son apparition dans des pays de plus en plus proches, les aviculteurs dans les quatre coins de la wilaya ne font que compter leurs pertes, se chiffrant à des millions de dinars, et qui sont dues à la baisse brusque des prix du poulet à la consommation. Hier, le poulet de chair a été cédé à 80 DA (prix de gros), alors que les prix habituels frôlaient les 170 DA. Cette dégringolade a provoqué la ruine des aviculteurs. Hamid, un jeune éleveur de Azazga que nous avons rencontré au marché de gros de Draâ Ben Khedda, relatera son cauchemar : « Je viens de brader une série de 4000 poulets et cela m'a coûté une perte sèche de 60 millions de centimes. » Cachant mal sa déception, il regrettera la passivité de l'Etat en matière de prévention et de protection des éleveurs contre les risques de maladie. « Le service public n'a rien fait pour nous venir en aide. Jusqu'à présent, ni les services vétérinaires ni les services agricoles n'ont inspecté les poulaillers pour nous expliquer, au moins, les symptômes de cette maladie », se révoltera-t-il. Ce climat de suspicion qui s'est généralisé n'a fait qu'inciter les ménages à bouder le poulet. Les éleveurs souhaitent, plutôt, des campagnes de sensibilisation pour rassurer la population. Hamid tente de dédramatiser la situation : « Du moment qu'aucun cas n'a été signalé en Algérie, il n'y a pas de raison pour avoir peur. D'autant plus qu'en cas de danger, le consommateur ne risque rien, c'est plutôt l'éleveur qui est exposé au danger. » A Bousmahel, dans la plaine de Oued Aïssi, B. Faredj, aviculteur, préfère persévérer dans son activité en dépit du risque grandissant. Avec des appréhensions plein le cœur, il est encouragé par la baisse des prix du poussin qu'il a acheté à 15 DA alors qu'il y a quelques mois ce prix atteignait les 90 DA. « Pour le moment, j'ai pris les mesures nécessaires : j'ai fermé toutes les issues pour éviter aux poussins de sortir et pour leur éviter tout contact avec les oiseaux venant de l'extérieur. » Les coopératives avicoles, dont chaque série dépasse les 100 000 poussins, restent les plus touchées par la crise que traverse le marché de la volaille. Un gérant d'une coopérative à Draâ Ben Khedda a fait état d'une perte de plus d'un milliard ces deux derniers mois. Il est toutefois utile de signaler que la filière avicole dans la wilaya de Tizi Ouzou, connaissant une forte croissance ces dernières années, évolue dans le circuit parallèle loin du cadre réglementaire. A titre d'exemple, « sur une vingtaine d'éleveurs recensés à Bousmahel, il n'y a que deux qui se sont régularisés », nous a-t-on affirmé. En outre, la fièvre qui plane sur le marché du poulet s'est vite répercutée sur les producteurs des poussins. « Devant la baisse vertigineuse de la demande, certaines coopératives cèdent leur produit gratuitement, car le poussin a une très courte durée de vie et ne peut pas résister longtemps dans les emballages », affirme un éleveur.