Les prix des viandes blanches viennent de connaître un spectaculaire bond. De 130 dinars, voire en deçà, il y a quelques jours, le poulet se vendait hier, sur les marchés oranais, à 200 dinars le kilo au détail. Un pic non enregistré depuis un peu plus de six mois, coïncidant avec le début de crise avicole. Est-ce un signe de bon augure, signifiant la fin de la crise du monde avicole découlant de la psychose entourant la grippe aviaire ? Les avis divergent. Les professionnels de la volaille sont loin d'être rassurés : « La hausse du prix est consécutive au manque de poulet. La production a chuté. Les éleveurs ont du mal à mettre en place de nouvelles bandes d'élevage. Le marché est rentré dans une phase d'instabilité inquiétante », commente M.Taha Benhamza, délégué de la région Ouest de la toute nouvelle coordination nationale provisoire des accouveurs et éleveurs de reproducteurs. Du coup, tous les regards se tournent vers la deuxième réunion qui devait se tenir en fin de journée d'hier, entre les représentants de la filière et les hauts responsables du ministère de l'agriculture et du développement rural. Sur la table des discussions, figure en première ligne « le souhait des professionnels d'un lancement urgent d'une campagne d'information et de communication relative à la consommation de viandes de volailles. » Les représentants de l'élevage avicole venaient, en effet, d'être reçus pour la première fois par les responsables du département de Saïd Barkat. Lors des pourparlers, les professionnels ont notamment réclamé des pouvoirs publics « un effort important de communication pour relancer la consommation. » « Pour rendre le sourire aux professionnels, tout dépendra de l'effort d'information qui sera fait pour protéger et rassurer la filière », explique le Docteur Hassini Tsaki, à la tête du comité de réflexion et de vigilance contre la grippe aviaire qui active depuis six mois à Oran. Pour notre interlocuteur qui est chef de département de Biologie à l'université d'Es Sénia, « ce sursaut quantitatif du prix du poulet est le fruit d'une campagne d'information positive. » Ainsi, si la grippe aviaire n'est pas là, la psychose, elle, est loin d'être dissipée. L'Algérie a pour le moment échappé au virus H5N1, les seules victimes sont économiques pour les éleveurs et tous les segments vivant directement ou indirectement de l'élevage de volaille. Ces derniers sonnent alors l'alarme : la peur des consommateurs, plus que l'éventuel déclenchement dans notre pays de l'épizootie elle-même, s'annonce tragique pour de nombreuses exploitations. Peur exagérée, rappelons-le, puisque la grippe aviaire, comme toutes les grippes, s'attrape par voix respiratoire et en aucun cas en mangeant du poulet cuit. En l'absence de toute opération d'évaluation des pertes actuelles de la filière avicole, la facture sociale s'alourdit pour la petite paysannerie. Une interrogation reste ainsi posée : Les éleveurs qui ont été contraints de réduire, voire de cesser leur production pour répondre à l'évolution du marché, seront-ils indemnisés pour leur manque à gagner ? En première ligne, les 200 000 personnes qui travaillent directement où indirectement dans l'élevage, l'abattage et l'alimentation ou aux soins des volailles, risquent le chômage, si ce n'est d'ailleurs pas déjà fait pour une grande partie d'entre eux. La coordination des accouveurs et éleveurs de reproducteurs déclarait, récemment, dans son premier communiqué de presse que « la consommation de poulet a sombré de plus de 70%. » « Cette estimation, sur laquelle s'accordent les aviculteurs risque encore de se corser d'avantage si rien n'est fait pour freiner la crise », s'alarment les professionnels privés qui viennent d'ailleurs d'être rejoints par les offices d'élevage publics pour faire un front commun et défendre les intérêts de la filière. L'absence dans notre pays d'une politique de traçabilité et d'identification des produits, a accentué la crise de confiance puisque beaucoup de volailles sont élevées et abattues clandestinement à travers le pays.