Onze manifestants ont trouvé la mort et près d'une quarantaine d'autres ont été gravement blessés, vendredi dernier à Benghazi, dans le nord-est de la Libye, lors d'affrontements ayant opposé les forces de l'ordre à un millier de personnes descendues dans la rue pour dénoncer la publication, par la presse occidentale, de caricatures du Prophète Mohamed. Bien qu'encore provisoire, il s'agit du bilan le plus sanglant des manifestations provoquées dans le monde musulman par l'affaire du Jyllands-Posten. Les forces de l'ordre libyennes ont ouvert le feu sur la foule lorsque des manifestants ont commencé à s'en prendre au consulat d'Italie, seule représentation diplomatique occidentale dans cette ville, dans le but de l'incendier. Certains sont parvenus à y pénétrer et à y mettre le feu avant d'être repoussés par la force des armes. La colère des habitants de Benghazi a été cependant exacerbée par l'attitude provocatrice du ministre italien des Réformes, Roberto Calderoli, qui a nargué les musulmans en arborant, cette semaine devant les caméras d'une chaîne de télévision italienne, un t-shirt sur lequel étaient imprimées des caricatures du Prophète Mohamed. Des témoins de l'événement, cités par des agences de presse occidentales, confirment que la police a lancé des grenades lacrymogènes et tiré à balles réelles contre les assaillants. Les mêmes sources ont fait également état d'un nombre plus important de tués. Celles-ci le situant « entre 15 et 25 morts ». Les forces de l'ordre ont d'abord été débordées par les protestataires les plus déterminés qui ont mis le feu à des voitures et à une partie de l'édifice abritant les bureaux du consulat d'Italie. Selon certains témoins, la répression a ensuite été « énergique ». Il n'y a pas eu de victimes parmi les personnels du consulat italien. L'extrême brutalité de la réaction de la police libyenne pourrait s'expliquer par la crainte des autorités de ce pays, réputé pour être extrêmement fermé politiquement, que cette manifestation fasse boule de neige et participe à ouvrir une brèche à travers laquelle pourrait s'engouffrer une opposition réduite à la clandestinité. Elle pourrait aussi correspondre au souci du leader libyen de garder son image intacte auprès des pays occidentaux avec lesquels il vient juste de renouer des relations d'affaires. Aussitôt l'annonce de l'incident, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, a demandé la démission de son ministre des Réformes, Roberto Calderoli, l'un des principaux dirigeants de la Ligue du Nord, le parti xénophobe de sa coalition. Depuis plusieurs jours, celui-ci a multiplié les provocations verbales contre les musulmans. Sous la pression de la classe politique italienne, Roberto Calderoli a fini par démissionner, hier, non sans avoir tenté de s'accrocher à son poste. Pour sa part, le Parlement libyen a pris également ses devants pour désamorcer la crise et éviter que la protestation ne se propage après ces incidents. Un communiqué du secrétariat général du Congrès général des comités populaires (Parlement), rendu public hier, a annoncé la suspension de ses fonctions et la traduction devant la justice du ministre de la Sécurité, Nasser Mabrouk. Le communiqué annonce également que tous les responsables de la sécurité de Benghazi impliqués dans la répression de la manifestation ont été suspendus de leurs fonctions et traduits devant un juge d'instruction. Le Congrès général des comités populaires a décrété, en outre, un jour de deuil à la mémoire des « martyrs ».