En Algérie, les deux journalistes emprisonnés pourraient être libérés aujourd'hui. Les directeurs de publication de Er-rissala et Iqra, incarcérés depuis plus d'une semaine pour avoir publié les caricatures du Prophète Mohamed (Qsssl), ont été entendus hier par le juge d'instruction. Berkane Bouderbala et Boussaâd Kahal n'ont pas été relâchés, mais l'on croit savoir, de sources proches des deux publications, qu'une demande de liberté conditionnelle a été déposée par les avocats des deux journalistes. Traitée aujourd'hui par la justice, la requête des défenseurs des deux directeurs de publication suscite quelques espoirs, au lendemain de la fatwa du cheikh Abderrahmane Chibane qui a mis en avant la bonne intention des éditeurs. A côté des démarches judiciaires, l'on retient également un vaste mouvement de solidarité de la famille de la presse qui réclame la libération des directeurs des deux publications religieuses. La dernière réaction en date émane de l'Association internationale des éditeurs de presse (Aiep) qui en appelle au chef de l'Etat pour obtenir l'élargissement des journalistes. Représentant quelque 18.000 titres dans 102 pays, l'Aiep réclame la reparution des deux hebdomadaires, suspendus suite à la publication des caricatures et exhorte le chef de l'Etat «à faire preuve de tolérance qui sera un exemple pour le monde entier». Tandis qu'en Algérie, l'affaire dite des caricatures prend une tournure judiciaire, dans le reste du monde musulman, par contre, l'on enregistre quotidiennement des manifestations violentes. Ainsi, à Benghazi, dans le nord-est de la Libye, une manifestation, en réaction au comportement du ministre italien des Réformes, a dégénéré en émeutes, causant la mort d'une dizaine de personnes. Roberto Calderoli a exhibé devant les caméras un T-shirt sur lequel étaient dessinées les caricatures décriées par les musulmans du monde entier. Les manifestants libyens ont pris pour cible le consulat italien. Certains sont parvenus à y pénétrer et à y mettre le feu avant d'être repoussés par les forces de l'ordre qui, dans leur tentative de disperser la foule, ont fait usage d'armes à feu. Cela dit, ce tragique épisode libyen de l'affaire des caricatures du Prophète a provoqué la démission du ministre italien, à l'origine des manifestations, et la suspension du ministre de la Sécurité libyen, Nasr Mabrouk qui a été traduit devant un juge d'instruction, au lendemain de la manifestation. Ce grave précédent dans la gestion sécuritaire dans ce pays frontalier de l'Algérie a fait réagir le secrétariat du Congrès général des comités populaires qui a dénoncé «l'usage immodéré de la force», selon un communiqué rendu public hier. Et pour précéder toute réaction de colère de la rue libyenne, un jour de deuil a été décrété pour aujourd'hui, «à la mémoire de nos martyrs», conclut le communiqué. En Italie, la «gaffe» du ministre Roberto Calderoli suscite beaucoup de commentaires. «On n'aurait pas dû attendre de devoir compter les morts pour agir», a notamment fait remarquer Romano Prodi, chef de file de l'opposition de centre-gauche. Les caricatures, publiées pour la première fois en septembre par un journal danois, ont été à l'origine d'une grande colère qui s'est propagée comme une traînée de poudre à travers de nombreux pays musulmans. L'on retiendra plusieurs attaques contre les ambassades danoises à Djakarta, Beyrouth, Damas et Téhéran, ainsi qu'à d'autres missions étrangères. Cinq personnes ont trouvé la mort cette semaine au Pakistan et cinq autres en Afghanistan. Avec la dizaine de morts enregistrés hier en Libye, ce sont pas moins de 20 personnes qui ont perdu la vie à cause de ces caricatures, sans que le gouvernement danois ne présente ses excuses officielles aux musulmans du monde. En Algérie, force est de constater que même si l'indignation est aussi profonde qu'ailleurs, l'on n'a pas vu les scènes de saccages remarquées dans certains pays musulmans. Cependant, deux directeurs de publication sont en prison à cause de ces caricatures.