Alger fronce les sourcils. Elle vitupère et maugrée. Son humeur est maussade. Elle n'aime pas perdre un match de football. Les discussions sont chargées d'opprobre. C'est la désolation et l'amertume. Le vague à l'âme et le spleen. Le sport-roi est dans un pitoyable état. Le bahut a craqué au grand dam de tous les supporters. Des Gabonais nous ont fait danser sur une musique qu'on ne comprend plus. Difficile à digérer. Dans une ville sevrée de culture, de loisirs sains, le football brille de mille feux. Il supplée au vide, alimente les débats, suscite des passions. Il agit comme un baume, un remède miracle qui fait oublier les problèmes, les tracas, la précarité et les manques. C'est un exutoire. Une échappatoire. La presse ne s'y est pas trompée. Elle rue sur les brancards et part en guerre contre les gardiens du temple. Son courroux s'affiche à grosses manchettes à la « une » des journaux. Litanies et enfilades de critiques, reproches contre les incompétents, les incapables, les « pense petit » repus de privilèges et pas fichus d'administrer le narcotique dans les règles de l'art. On ne badine pas avec le football. Il y en a même qui s'avouent plus royalistes que le roi. On voyage jusqu'au bout du naufrage. Une genèse de la décadence en bonne et due forme. Rares sont les voix qui tentent de dépassionner les débats. Attaques frontales. Estocades rageuses, banderilles violentes. Et pourtant, il ne s'agit que de football. Un jeu et sans plus. On prête trop à la balle ronde. On la pare de vertus trop lourdes pour ses frêles épaules. Cette solennité, ces sentences martiales, ces discours enflammés, furibonds m'effrayent. Cette manifestation de déception, voire d'abattement me turlupine l'esprit. Tous ces « roseaux pensants » qui montent au créneau pour renflouer le navire, remettre les pendules à l'heure, m'intriguent et m'amusent. Je le confesse franchement. Moi, qui ai décidé d'apprendre à vivre sans football, je me gausse de tous ces appels du pied adressés au président pour sauver « le Titanic ». La cité, comme toutes les autres villes du pays, persiste à vouloir tenir entre les mains des nuées de fumée, à alimenter une passion qui ne lui est d'aucune utilité. Autant revenir sur terre. Ça ne coûte rien.