Mépris Hadja Beya le toise du regard et se retourne sans répondre à son salut. Hadja Beya, dans sa gandoura «staïfi» bleu roi à petites fleurs blanches, ses cheveux encore humides du bain qu?elle vient de prendre dans le bassin chaud de Hammam Meskoutine de Guelma où elle loue une chambre pour toute l?année, ouvre sa porte toute grande par cette belle journée de printemps. Elle jette un petit «bsatt» ? que sa dernière bru lui a spécialement cousu à la main ? près du seuil, et dépose à terre son petit réchaud à gaz. Elle s?assied et entreprend de préparer son café habituel «bé jazoua», un café fort «qui monte à la tête, et enlève les vertiges», comme elle le dit à qui veut l?entendre. L?air est pur, et Hadja Beya, heureuse de toute la beauté de la nature qui s?offre à ses yeux, car elle a choisi le meilleur bungalow, le plus cher avec une vue merveilleuse sur la forêt qui borde le complexe touristique, se met à siroter son café par petites gorgées, jouissant de la sérénité du moment. Tout à coup, elle voit un homme, un vieillard de grande taille, dans un costume marron, qui passe sur le petit chemin cimenté, longeant les chambres des pensionnaires. L?homme a des cheveux d?un blanc de neige, et quand il se tourne vers elle, un rayon de soleil illumine ses lunettes. Il s?arrête, la regarde avec un vague sourire et esquisse un petit salut de la tête. Méprisante, Hadja Beya le toise du regard, et se retourne à demi, pour remplir une autre tasse de café. Quand elle regarde à nouveau, l?homme a disparu. «Mais que veut donc cet abruti ?» se demande-t-elle. «Pourquoi me salue-t-il, je ne le connais pas?» Et elle allume sa petite radio qu?elle garde toujours à portée de la main. Le surlendemain, alors qu?elle se promène dans le grand parc du Hammam avec une dame habituée, elle aussi, à séjourner aux bains de Meskoutine, elle voit arriver dans sa direction, du bout de l?allée, le vieillard qui l?avait saluée. L?homme avance au pas de charge, le buste penché en avant balançant ses grands bras qui semblent trop longs pour son corps. Il vient droit sur elle, avec son sourire vague visiblement décidé à l?aborder. Hadja Beya s?arrête sur place et le regarde, éberluée. Il arrive à sa hauteur, la fixe en souriant toujours, et lui dit : «Salam aleikoum». Beya sursaute, se reprend et le regarde, elle aussi, en fronçant les sourcils, de son air le plus méchant. Elle s?écarte de la trajectoire du monsieur qui semble très étonné de la réaction de la vieille dame. Faisant deux pas sur place avec ses longues jambes, il continue son chemin, son sourire a disparu. (à suivre...)