A Alger, les « barbus » eux-mêmes s'étaient, paraît-il, laissé prendre au jeu. A quelques heures du coup d'envoi du match Algérie-Egypte – capital pour participer au Mondial de football de 2010 -, ils n'étaient pas les derniers à vitupérer contre l'équipe égyptienne et l'agressivité de ses supporteurs. Gagné par l'Algérie, le match aura été pain béni pour les autorités. Grâce à lui, voilà l'Algérie victorieuse revenue à la « une » de la presse étrangère, non pour des violences armées, mais pour une cause qui flatte l'orgueil national. Une autre de ses vertus aura été de gommer, un temps, les clivages au sein de la société. Mais les dirigeants algériens savent aussi que dans un pays où la vie politique est cadenassée, les manifestations culturelles rares et les protestations de rue interdites, le football est un exutoire pour la jeunesse. Le pouvoir surveille de près ces rencontres qui drainent des foules de peur qu'elles dégénèrent et ne tournent à la contestation politique. La violence est fréquente dans les stades. Et pas uniquement en Algérie. Elle est fréquente en Tunisie et au Maroc où la lutte contre « le hooliganisme » est devenue une priorité. Ainsi s'explique que le match Maroc-Cameroun pour la qualification pour le prochain Mondial, la semaine passée, a été délocalisé à Fès – une ville moyenne, il est vrai dotée d'un stade ultramoderne – et non à Casablanca, la bouillonnante principale agglomération. Le stade de Casablanca a l'inconvénient d'être situé dans les beaux quartiers où fleurissent les boutiques de luxe. Cette méfiance à l'égard des supporteurs de football n'empêche pas les dirigeants maghrébins d'être hypnotisés par le monde du ballon rond et ses paillettes. En Tunisie, un gendre du président Ben Ali, l'homme d'affaires Slim Chiboub, a été, jusqu'à ce qu'il tombe en disgrâce, le président de l'Espérance sportive de Tunis, le club de foot historique créé du temps de la colonisation française. Au Maroc, le patron de la gendarmerie, le général Benslimane, a dirigé pendant plus de quinze ans la Fédération royale de football. Son successeur, Ali Fassi Fihri, est le frère du ministre des affaires étrangères et un parent du premier ministre. Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi, a pris en main le club mythique de Rabat, le Fath Union Sport (FUS). En Algérie aussi, ce sont des hommes proches du pouvoir qui contrôlent le monde du football. Hasard du calendrier, le 18 novembre, à l'heure où était donné à Khartoum le coup d'envoi du match Algérie-Egypte, à Rabat avait lieu la finale de la Coupe du trône entre le club des Forces armées royales et le FUS. Des deux matches, quel a été le plus suivi ? A coup sûr le match Algérie-Egypte. Car s'agissant du football, les Marocains ont toujours été pro-algériens. C'est le seul domaine où le « Maghreb uni » n'est pas un slogan creux.