Face aux conflits de tous ordres (en particulier sociaux, interethniques ou interreligieux), les médias sont sommés eux aussi d'intervenir. Par leur manière de rendre compte de diversement, ils prennent position - clairement ou non - pour un idéal ou/et des intérêts matériels d'abord. Il y a là souvent une prise de risque physique mais aussi morale et professionnelle d'intervention dans l'écriture de l'histoire immédiate, par le choix d'une posture. Les professionnels de la presse privée algérienne ont, durant une décennie face à la question : « Qui tue qui ? », pris la mesure des enjeux de cette tension particulière. Le référendum sur la paix et la réconciliation nationale - et ses effets toujours en attente - renouvelle d'autres questions et attitudes sur le sujet. D'où l'intérêt majeur d'un nouvel ouvrage collectif, basé sur des conflits de l'Afrique centrale (Congo, Burundi, Centrafrique, Rwanda, etc.), différents bien sûr, mais humainement avec beaucoup de similitudes, sur la trame d'exploration Médias et conflits, vecteurs de guerre ou acteurs de paix. Dans son introduction, Marie-Soleil Frère pose ainsi les enjeux du débat : « Les médias sont des armes à double tranchant : particulièrement dans les sociétés en mutation, déstabilisées par des conflits ou traversées par des processus de libéralisation politique, ils peuvent être les instruments de stratégies destructrices ou, au contraire, constructives ». L'histoire fournit une pléthore d'exemples où des journalistes ont pu - retranchés derrière leur micro ou leur plume - appeler à la haine, susciter des mouvements de foule violents, manipuler volontairement l'information pour servir des stratégies de guerre, promouvoir les réflexes non démocratiques ou ancrer, de manière plus ou moins consciente et perverse, des scissions profondes au sein d'une société. » N'omettons pas de signaler dans cette courte note un passage de la stimulante contribution de Ross Howard (Journalistes et conflits : débats théoriques et actions concrètes). Une idée que l'auteur pose, à partir des enquêtes de terrain, en ces termes : « Un vigoureux débat s'est déployé au sein de la profession sur la question suivante : les journalistes doivent-ils s'engager de manière consciente dans la résolution des conflits ? Si les techniques journalistiques sont mises au service de la gestion d'une crise par des journaux, radios ou télévisions, s'agit-il toujours de journalisme ou se situe-t-on dans le registre de la pacification ? « Le présent ouvrage apporte de foisonnantes réponses à cette vaste question - programme, qu'il nous faudra bien un jour appliquer aux médias algériens, pour mieux comprendre leur situation. » Afrique centrale. Médias et conflits, vecteurs de guerre ou acteurs de paix. Sous la direction de M. S. Frère, éditions Complexes/ Institut Panos/ Grip ; Bruxelles, 2005, 320 p.