«Ce n'est pas ingrat de servir son pays», a déclaré Yasmina Khadra qui a réagi samedi à l'instit français d'Oran à une question du public relative au fait qu'il ait accepté de diriger le centre culturel algérien à Paris (CCA), un poste qualifié d' «ingrat» compte tenu de la qualité intellectuelle qu'on attribue à l'auteur de «l'imposture des mots». L'écrivain algérien n'a pourtant pas été tendre avec les tenants du pouvoir qui ne sont pas, ne se lasse-t-il pas de marteler, «à la hauteur des aspirations de ce peuple et de ce grand pays qui recèle d'énormes potentialités.» Il évoquera quelques exemples de nos ressortissants qui ont réussi à ‘étranger pour mieux damer le pion à ceux par la faute de qui ces derniers se retrouvés à l‘exil forcé ou préféré. «Je suis directeur du CCA mais en même temps personna non grata dans mon pays», soutient-il en outre pour montrer le paradoxe de sa situation, quelqu'un qui, tout en ayant un regard critique, veut néanmoins contribuer à faire connaitre les écrivains et artistes algériens qui ne trouvent pas, eux aussi pour certains, beaucoup de créneaux d'expression chez eux. «Impressions algériennes», est le titre de son futur ouvrage qui sortira bientôt chez Laffont mais cette fois ce sera des photographies accompagnées de textes intimistes rendant compte des régions qu'il a visitées, au nord, au sud, à l'est et à l'ouest du pays. Là où, dit-il, plus que partout ailleurs où on lui déroule le tapis rouge, il se sent chez lui. A Oran, Yasmina était invité par «son collègue», directeur de l'IF à l'occasion de la sortie de son dernier livre «Le Chant des cannibales» sorti cette année chez un éditeur algérois, Casbah Editions, et dont le représentant a assisté à la vente dédicace. Comme son nom l'indique, le titre de l'ouvrage joue sur l'opposition enchantement/désenchantement. «Un appel de sirènes qui nous dirigent vers des rivages qu'on croit salutaires mais qui, finalement, aboutissent sur des précipices», déclare-t-il au sujet de ce recueil de nouvelles, un autre registre sur lequel l'auteur de Morituri veut également exceller. On a beaucoup souligné à ce sujet la propension des thèmes abordés à traduire une certaine nostalgie de l'Algérie des années 1960/ 1970. Ce à quoi l'auteur répond, pour lever les équivoques, que la nostalgie ne concerne pas le fait politique (le champs d'expression étant certainement plus réduit à l'époque) mais l'aura de la population de l'époque, son respect des convenances, l'espoir d'un monde meilleur et tout le capital hérité de la lutte contre le colonialisme. A de rares exceptions près, les récits de Yasmina Khadra sont caractérisés par une noirceur que certains trouvent insoutenable malgré leur poétique. «Peut être que quelque part cela traduit mon propre vécu, enfermé à l'âge de neuf ans dans une caserne militaire (l'école des cadets)», propose-t-il en n'omettant pas néanmoins de rendre hommage à ceux qui ont contribué à parfaire son éducation et son instruction. Peut-être aussi que «la réalité se lit mieux dans le malheur». Mais en définitive il estime que «l'écrivain est en général guidé par une inspiration dont la source lui échappe.» Inspiration seulement car les intentions sont là : «questionner mon époque.»