Huit cent quatre-vingt dix millions de centimes sont tombés, lundi, dans l'escarcelle de la santé à Constantine. C'est à l'issue d'une séance de travail tenue avec les responsables du secteur que l'annonce a été faite par Amar Tou, ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Une annonce jugée réjouissante dans l'ensemble, même si l'équipement demandé est évalué au double. La visite effectuée, durant la journée, à travers les établissements sanitaires de la commune mère a permis au ministre de se faire une idée sur le déficit en matière d'appareils, notamment ceux de l'imagerie, et aux différents chefs de service de défendre leurs besoins. Amar Tou a décidé d'ailleurs d'accorder au CHU Ben Badis, en plus des 57 milliards de dinars, un scanner et un appareil d'imagerie à résonance magnétique (IRM). Constantine bénéficiera, en outre, d'un complexe mère-enfant qui vient d'être inscrit dans le cadre du programme complémentaire du développement et devra être entamé l'année prochaine. Quant au centre anticancéreux, débordé par une demande surchargée qui atteint les 3000 malades par an, il devrait bénéficier prochainement d'une extension de son bâtiment. Mais le ministre n'a pas tout accordé cette fois. Le projet d'un grand hôpital civil, longtemps caressé par les autorités locales, semble désintéresser M. Tou, qui a, par ailleurs, rappelé que les infrastructures hospitalières algériennes tournent avec 46 % de leurs capacités uniquement. Et en plus des cadeaux, il a distribué aussi beaucoup de blâmes, essentiellement en direction des gestionnaires qui, pour la plupart, étaient franchement décevants durant la rencontre de lundi dernier. Ce qui a fait sortir le ministre de ses gonds, c'est le constat qu'il a fait au niveau de la clinique rénale de Daksi. Le maigre bilan de greffes (4 contre 8000 demandes) a révolté M. Tou, qui n'a pas voulu tenir compte des arguments donnés par le directeur, relatifs au manque de produits. L'intervention d'un jeune médecin spécialiste a permis de cerner le véritable mal, qui, selon lui, est dû « aux problèmes relationnels au sein de l'équipe médicale et le monopole de certains médecins concernant les opérations de greffe ». La lucidité qui se dégage de ces propos a fait réagir le ministre qui a promis de revenir à Constantine spécialement pour s'occuper de ces problèmes relationnels. Ce qui se passe à Daksi n'est, en effet, que l'arbre qui cache la forêt triste et complexe des rapports conflictuels et l'absence de communication qui caractérisent le corps médical à Constantine. Cet état de fait, qui paralyse surtout le CHU, a transformé les services en chasse gardée aux mains de médecins qui ont su jouer de leur influence pour jouir à leur guise. Ce sont la formation et la promotion des jeunes médecins qui en ont souffert d'abord, et ensuite la qualité de la prise en charge du malade, notamment depuis l'émergence du secteur privé. Beaucoup de médecins travaillent dans le secteur public ainsi que dans des cliniques privées, et à ce sujet, plusieurs professeurs n'hésitent plus à dénoncer certaines pratiques qui relèvent du parasitisme et de l'absence de contrôle et de fermeté pour empêcher la dérive. C'est la moralité de la profession qui en pâtit dans ce cas, et l'argent ne peut rien faire. En attendant que la famille médicale engage sa propre réforme, c'est au gouvernement de dessiner des balises et protéger le malade. A Constantine, la situation a atteint des proportions alarmantes et tourne au déballage public, révélant des scandales et altérant l'image de la profession.