L'ex-cité du Stade fait encore parler d'elle, près d'une année après sa destruction. En effet, cette cité, datant d'avant-l'indépendance, a été jugée insalubre par les instances compétentes ; elle doit donc être démolie. Une telle décision entraîne automatiquement le relogement des habitants de l'ancienne cité, logiquement, tous les habitants ! Le problème qui s'est posé à l'époque est que le nombre de livrets de famille était supérieur à celui des habitations. Logique, quand on sait que les «jeunes» couples qui ont bénéficié en 1961 de ces logements sont devenus des grands-parents. Ce facteur, d'après plusieurs habitants mécontents, n'a pas été «tellement» pris en considération par l'administration. Certains foyers, lors de la démolition en juin 2011, comptaient plus de cinq couples avec enfants. Il y eut un semblant de mouvement de protestation quand les monstres d'acier ont envahi le site et ont commencé à raser les vieilles demeures. Onze familles ont tenu bon, ont bravé les bulldozers et sont restées sous leur toit, parmi les décombres. Un spectacle apocalyptique : un amas de briques brisées, de tôles tordues, de ferraille rouillée et de branchages. Pour les forcer à sortir, l'APC décida de couper l'eau et l'électricité. Cela fait donc dix mois (trois saisons avec leur lot de chaleur, l'été, le Ramadhan aidant et de grand froid, cet hiver) que ces onze familles vivent dans des conditions insupportables. El Hadja Messaouda, 75 ans, malade et seule, nous explique amèrement : «A la mort de mon mari, il y a quelques années, je suis restée avec l'un de ses fils (d'un premier mariage). Lors du recasement, il a bénéficié d'un logement exigu et on m'oblige à aller vivre avec lui. Je ne fais plus partie de sa famille. Il ne veut pas de moi et je lui donne raison. Moi, non plus je ne veux pas à être à sa charge. Je ne sortirai pas de ma maison !» El Hadja Messaouda vit dans un taudis. Des bassines partout sur le sol pour recevoir l'eau de pluie qui dégouline du toit. Ses maigres affaires entassées dans le seul coin moins humide de l'unique chambre. Une porte qui… ne retient rien. «On a brisé le cadenas il y a quelques jours pour me voler. Je n'ai rien. Voilà comment on se comporte avec les vieux chez nous», lança-t-elle à notre intention, au bord des larmes. Beaucoup de promesses ont été faites à ces familles depuis le mois de juin 2011, quand les autorités se sont rendu compte qu'elles n'allaient pas pouvoir les déloger. Celle qui a été reprise par tous les responsables qui ont visité la commune est que ces familles allaient être relogées à Guerrouaou, près de Soumaâ (wilaya de Blida), qu'un lot de quarante appartements leur a été réservé. «Mais jusqu'à quand allons-nous pouvoir tenir, nous demande El Hadja Messaouda. Je n'ai ni la force ni le courage d'attendre encore plus !» Larbi prend le relais : «Je suis fils de chahid et victime du terrorisme. Nous sommes nombreux dans ce gourbi. Nous dormons à tour de rôle ! A quand l'indépendance pour nous ?» Ces «oubliés» du recasement attendent depuis dix mois dans des conditions inhumaines que leur dignité leur soit rendue. Que les élus locaux par ces temps d'élections fassent ce pourquoi ils ont été choisis par les citoyens et règlent, une fois pour toutes, ce problème épineux en relogeant décemment ces familles que le désespoir ronge depuis près d'un an.