La politique est un produit de luxe.» C'est ainsi qu'un syndicaliste a justifié l'indifférence et le manque d'engouement des électeurs pour la campagne électorale. Les préoccupations des citoyens sont ailleurs et pas forcément celles des candidats à la députation. On l'a constaté depuis le début de cette campagne. Les mouvements de protestation ne se sont pas estompés. Des organisations syndicales représentant plusieurs secteurs (éducation, santé, administration) investissent la rue pour crier leur ras-le-bol et leur mécontentement quant à leur situation sociale dégradée et dégradante. Certaines revendiquent un statut honorable, d'autres exigent un salaire digne et décent leur permettant de faire face à l'érosion du pouvoir d'achat. Au moment où les citoyens peinent à boucler leurs fins de mois difficiles, les prix des fruits et légumes ont flambé, compliquant davantage leur quotidien. Le prix de la pomme de terre, par exemple, un produit largement consommé, a pratiquement triplé ces derniers jours, passant à plus de 100 DA le kilo alors que le SNMG est de 18 000 DA. «Comment peut-on s'intéresser à une campagne électorale dont les animateurs sont en déphasage avec la réalité du terrain ? Comment peut-on applaudir des leaders de formation politique qui font l'impasse sur la grogne sociale, les libertés syndicales…?», s'est interrogé Meziane Meriane, porte-parole du Snapest. Pour ce dernier, «il faut conjuguer le politique à la réalité sociale». Un avis partagé par le docteur Lyes Merabet, leader du Syndicat des praticiens de santé publique. Ce dernier évoque le fossé existant entre la population et les partis politiques qui insistent, particulièrement, sur «le devoir» de voter que sur les réalités que vivent les citoyens. En outre, il est ainsi tout à fait normal de comprendre la déconnexion et la désaffection du citoyen de la chose politique. Face à des leaders de parti qui cultivent «la langue de bois», qui tiennent un discours politique des plus lassants, récurrents et loin d'attirer le public, l'on ne peut s'attendre à un quelconque engouement. «Il y a un grand marasme social et une pauvreté aiguë, alors que certains responsables de parti s'alarment sur un éventuel danger extérieur», ironise un syndicaliste. Lyes Merabet souligne, en effet, que les partis engagés dans la course à la députation n'ont pas pris la peine de défendre les préoccupations des fonctionnaires. «Nous n'avons pas entendu, jusqu'à maintenant, un seul parti faire référence à la répression des libertés syndicales, ni à la situation des plus alarmantes dans nos établissements sanitaires», déplore-t-il. Selon les syndicats, la protesta est la résultante du mépris du pouvoir et celui des partis politiques, dont la majorité prêche un discours en déphasage total avec le quotidien des Algériens. Les syndicalistes sont persuadés que cette campagne est vouée à l'échec. «Lorsque l'on sait que les têtes de liste de candidature sont mises aux enchères, nous avons déjà une idée sur la future Assemblée. Un intellectuel peut apporter un plus à cette dernière, mais il n'a pas les moyens d'acheter sa place comme le font les commerçants de la politique», dénonce-t-il, déplorant par là même le niveau intellectuel de certains présidents de parti. Les syndicats autonomes semblent avoir compris que l'objectif des candidats pour les législatives du 10 mai «n'est autre que l'enrichissement personnel». L'APN est devenue, selon eux, un commerce et non pas un lieu pour servir le pays. «Les Algériens ont tous compris, d'où leur indifférence et l'absence d'engouement», tranchent les syndicalistes interrogés.