En grève depuis dimanche dernier, les greffiers ont été empêchés par la police d'accéder aux tribunaux et cours. Réquisitionnés, les huissiers de justice font office de greffiers lors des audiences. De nombreuses audiences ont été perturbées, ces jours-ci, au niveau des tribunaux. La décision de recourir aux huissiers de justice pour remplacer les greffiers en grève a soulevé l'indignation des avocats. «Le greffier est le témoin qui authentifie les actes d'audience. L'absence de sa signature est un cas de cassation. Nous refusons qu'il soit remplacé par un huissier de justice dont la mission est de constater, notifier et exécuter. La décision de recourir aux huissiers de justice porte atteinte aux droits des justiciables», déclare maître Abdelmadjid Sellini, bâtonnier d'Alger. Il rappelle que tous les barreaux d'Algérie avaient déjà exprimé leur soutien aux greffiers lors de leur premier mouvement de protestation, il y a une année. «Nous avons boycotté toutes les audiences où un huissier de justice avait remplacé un greffier. Nous ne pouvons accepter une telle dérive. La décision a été reconduite ces derniers jours dans les tribunaux où ce recours a eu lieu. Ce qui a perturbé de nombreuses audiences sans pour autant paralyser l'ensemble des juridictions», explique Me Sellini. De leur côté, les greffiers et les corps communs ont décidé de durcir leur mouvement de grève en refusant de respecter le service minimum. Encerclés par de nombreux policiers, ils se sont rassemblés, hier, devant le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, après avoir été «chassés» du siège de la cour d'Alger, mais également des cinq tribunaux relevant de cette juridiction où ils avaient prévu de tenir des sit-in. «Des consignes ont été données aux policiers de ne laisser aucun des greffiers en grève accéder aux tribunaux et aux cours. C'est une honte. Ils ne peuvent pas nous traiter de la sorte parce que nous réclamons nos droits. Notre grève est légale», déclare une greffière du tribunal de Bab El Oued. Elle est interrompue par une de ses collègues : «Nous voulons que les promesses de revoir notre statut particulier soit tenue. Cela fait plus d'une année que nous attendons.» Une autre greffière du tribunal d'El Harrach s'insurge contre la manière avec laquelle le ministère de la Justice a géré le mouvement de protestation : «Au lieu d'ouvrir le dialogue avec les protestataires, il utilise la répression. D'abord il recourt aux huissiers de justice, et après il nous empêche d'accéder à nos bureaux. Nous allons poursuivre notre grève et rien ne nous empêchera de réclamer un statut digne de notre métier», crie-t-elle. Dans une déclaration distribuée lors de ce rassemblement, le président de la Fédération nationale des travailleurs de la justice, Mourad Ghedia, annonce «le durcissement du mouvement de grève en arrêtant le service minimum, en réponse à la décision de la chancellerie d'empêcher les grévistes de rejoindre leur lieu de travail». Le syndicaliste dénonce «les menaces proférées contre les greffiers et les corps communs et rend responsable la tutelle des conséquences de ces actes, qui consistent de jeter à la rue les fonctionnaires de la justice». Il réitère par ailleurs les revendications de la Fédération, à savoir «la révision du statut des travailleurs de la justice, l'intégration des corps communs et la révision du régime indemnitaire». Face à ce qu'il qualifie de «répression», le président de la Fédération, affiliée au Syndicat national autonome du personnel de l'administration publique (Snapap), appelle tous les grévistes à rejoindre, aujourd'hui, le siège de la présidence de la République dans le but de saisir le premier magistrat du pays à travers un sit-in de protestation. Il est à signaler que la Fédération avait décidé, le 7 avril, à l'issue d'une réunion de son bureau, de passer à des actions de protestation, dont un rassemblement devant le siège du ministère de la Justice, le 19 avril dernier. La réaction de la chancellerie a poussé la Fédération à annoncer un mouvement de grève générale de cinq jours à compter du dimanche 22 avril.