La liberté de la presse, entre pression du pouvoir et autocensure» est le thème d'une conférence-débat animée hier par le directeur du quotidien El Watan, Omar Belhouchet, à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, à l'invitation du comité des étudiants de l'Institut des sciences économiques. «L'Algérie est dirigée par un pouvoir autoritaire qui ne concède pas sur les libertés en général et la liberté de la presse plus particulièrement», a déclaré d'emblée M. Belhouchet. «Au lendemain des révoltes arabes, le pouvoir, qui s'est retrouvé dos au mur et contesté sur les plans social et politique, a reculé. La presse s'est retrouvée avec plus de liberté et moins de pression. Les journalistes ne fréquentent plus les tribunaux comme avant et les rapports avec l'administration sont devenus moins problématiques. Les autorités ont répondu rapidement aux revendications des journalistes en révisant la loi sur l'information et en promettant l'ouverture de l'audiovisuel au privé. Mais dès le 2e semestre de 2011, les pouvoirs publics ont tenté de reprendre d'une main ce qui avait été donné de l'autre. Après avoir ouvert le débat sur cette question, ils ont tenté de freiner cette ouverture», a relevé le conférencier. Pour étayer son constat, le directeur d'El Watan revient notamment sur la nouvelle loi sur l'information : «De l'avis de beaucoup d'observateurs, cette loi contient un certain nombre de restrictions qui ne permettent pas aux journalistes de travailler sereinement. Il est interdit ainsi d'évoquer les questions de défense alors que l'Algérie achète annuellement pour 6 milliards de dollars d'armement, d'enquêter sur la corruption, de traiter des choix de la politique économique du pays ou de parler des constantes nationales. Des aspects ont été introduits dans cette loi pour mettre en place un système d'autocensure. Le volet amendes et pénal a été énormément alourdi. C'est une loi restrictive qui trace des lignes rouges à ne pas franchir.» Et d'ajouter : «L'ouverture de l'audiovisuel au privé est renvoyée aux calendes grecques. Rien n'a été fait à ce jour alors qu'on organise une ouverture informelle, par le biais de chaînes de télévision qui s'adressent aux Algériens, mais de statut de droit étranger. Une ouverture opaque au profit des organes de presse connus pour leurs accointances avec le pouvoir. Il faut une ouverture selon des normes professionnelles, accompagnée d'un véritable travail de réforme de l'ENTV, une chaîne d'une médiocrité incroyable dotée d'un budget exceptionnel. Le refus d'ouverture du champ audiovisuel est une bêtise politique sachant que les Algériens se branchent sur les chaînes étrangères.» Omar Belhouchet évoquera également le monopole sur la publicité et l'imprimerie : «C'est un secteur totalement déréglé et opaque. La publicité et les imprimeries publiques sont gérées de façon scandaleuse. Les députés de la prochaine Assemblée devront enquêter sur la manière avec laquelle sont gérées les imprimeries étatiques. Des journaux endettés de 700 milliards au niveau des rotatives publiques ne sont pas inquiétés, alors qu'on nous refuse l'impression du journal à Ouargla. L'imprimerie est une arme entre les mains du pouvoir pour réguler les lignes éditoriales des journaux. Si vous le critiquez, des pages de publicité de l'ANEP sautent le lendemain.» Sur un autre plan, le conférencier a mis en exergue les problèmes liés à l'accès à l'information : «L'administration ne communique pas. Les journalistes désirant compléter un travail d'enquête butent sur une véritable muraille de Chine.» Et de conclure : «Le système autoritaire, qui avait reculé à un certain moment, est retombé sur ses pieds pour plomber de nouveau les rapports entre la presse et les autorités (…). La gestion d'El Watan est passée régulièrement au scanner par le fisc. Il a fallu attendre dix ans pour avoir l'autorisation de construction du nouveau siège d'El Watan sur un terrain acheté par le journal en 2001.»