Une exposition à Paris sur « L'âge d'or des sciences arabes » suscite l'engouement du public, en présentant le passé, largement méconnu en Occident, d'une civilisation autrefois rayonnante, loin des images actuelles de violence et d'intégrisme religieux. Articulée en trois thèmes - « Le ciel et le monde », « Le monde du vivant » et « Sciences et art » -, cette exposition à l'Institut du monde arabe (IMA), qui se poursuit jusqu'au 19 mars, a déjà attiré plus de 110 000 visiteurs, avec une moyenne de 1200 personnes par jour. « C'est un résultat exceptionnel pour un sujet difficile », estime Philippe Lemoine, directeur de communication à l'IMA. Cette exposition de l'IMA est, en effet, celle qui a attiré le plus de monde après celle consacrée l'an dernier au mythique sujet des Pharaons avec l'impressionnante statue de Toutankhamon (700 000 visiteurs). En comparaison, « L'âge d'or des sciences arabes », qui évoque la période allant du VIIIe au XVe siècles, n'offre au visiteur rien de bien spectaculaire : quelque 200 pièces, des cartes géographiques, des manuscrits, des astrolabes, des globes célestes ou des miniatures. « C'est parce qu'il n'y a rien de spectaculaire que le résultat est exceptionnel », ajoute Philippe Lemoine. « Cette fois, les gens viennent pour essayer de comprendre ce monde qui occupe tous les jours les pages les plus difficiles de l'actualité. Ils veulent sortir des clichés ». Sage-femme à Paris, Alexandra, 44 ans confirme : « Quand on regarde ces merveilles, on ne peut pas rester sur les clichés de la violence et de l'intégrisme. ça permet de recadrer les choses. » Comme une réponse aux intégristes justement, l'exposition est servie par des versets du Coran ou des hadiths (citations du Prophète) incitant au savoir. « Dieu placera sur des degrés élevés ceux d'entre vous qui croient et ceux qui auront reçu la science », promet le Coran. « Peu de science vaut mieux que beaucoup de dévotion », affirme un hadith. « C'est bien de rappeler que tout cela a existé », note Gabriella, une enseignante italienne qui n'a jamais voyagé dans le monde arabe mais qui a été attirée par l'intitulé de l'exposition. Commissaire scientifique, le professeur Ahmed Djebbar explique que cette exposition est la « première de ce type ». « Elle apporte des informations connues mais qui n'ont pas bien circulé et des corrections sur le rôle de la civilisation musulmane dans le domaine des sciences. Elle montre aussi que les liens entre la science dans les pays d'Islam et l'Europe sont plus importants qu'on le pense », ajoute-t-il. Aux visiteurs, le professeur explique que, durant l'âge d'or de la civilisation musulmane, « les sciences se pratiquaient sans aucune interférence de la religion ». Parmi les savants, il y avait des juifs, des chrétiens et même des païens. M. Djebbar rappelle qu'il y a eu « transgression continuelle » de l'interdit, dans une référence au débat sur la représentation humaine en Islam, déclenché par les caricatures de Mahomet. « Les constellations sont représentées par des visages humains. C'était objectivement une transgression », dit-il. Venu faire découvrir cet « âge d'or » à ses élèves, une enseignante explique que c'est grâce aux Arabes qu'ils apprennent la géométrie. « C'est à cause d'eux », rectifie l'un d'entre eux, dans l'hilarité générale. Farhan Iran, une association culturelle iranienne à Paris, ne rit pas. Seule note discordante, elle a lancé une pétition pour contester l'intitulé de l'exposition, en considérant que nombre de savants n'étaient pas arabes, mais perses, indiens et berbères. « On peut effectivement parler de sciences islamiques ou de sciences en pays d'Islam », admet M. Djebbar, qui souligne que la diffusion des connaissances s'est quand même faite grâce à la langue arabe.