Isolement total, manque de lumière et d'espace, difficultés à respirer, toilettes bouchées, violences diverses, surpeuplement... » C'est ainsi qu'ont décrit les quatre membres de la commission des libertés civiles et affaires intérieures du Parlement européen (LIBE) les conditions de vie des migrants illégaux, retenus dans les centres de transit français. Jugés « inutiles et indignes de la France », ils ont demandé, il y a deux jours, à Nicolas Sarkozy de les fermer. « Ces centres constituent non seulement une violation des droits de l'homme, dit Giusto Catania, député italien membre de la gauche unitaire européenne, mais ne jouent plus le rôle de dissuasion des flux migratoires. La preuve est que 50% des personnes enfermées quittent librement ces centres au bout de quelques jours et deviennent alors des ouvriers à bon marché. » Qualifiés « d'espace de non-droit », les centres de rétention administrative ont été légalisés par le gouvernement français en 2001. « Pourtant, leur existence, plus ou moins secrète, remonte à plus de vingt ans », a ajouté Martine Roure, députée européenne et membre du parti socialiste français qui a achevé sa visite avec deux constats. Un, « l'allongement des délais de rétention de 12 à 32 jours s'exerce dans des conditions attentatoires aux principes des droits de l'homme ». Deux, « 10% des gens retenus sont des demandeurs d'asile, qui ont plutôt besoin qu'on étudie leurs dossiers que de les enfermer ». Les mêmes parlementaires, qui ont rencontré, hier, les représentants des médias étrangers à Paris, ont, notamment, insisté sur les conditions de vie dans le centre de dépôt de la « Cité ». Aménagé dans les sous-sols de la préfecture de police de Paris, ils ont décrit l'endroit comme étant « inhumain, glacial, sans bouches d'aération ni lumière et qui ne sied même pas aux animaux ». Que faudrait-il donc faire pour changer tout cela ? Au-delà du constat, les parlementaires s'estiment en gros incapables d'influer sur les stratégies d'immigration mises en place par les gouvernements européens. « Ce n'est pas à nous de dicter aux pays la politique d'immigration. Le Parlement européen n'a aucun pouvoir sur cette question », a confirmé Augustin Diaz de Mera, député européen espagnol. Mais néanmoins, nous œuvrons pour une « solution globale qui prend en considération la question des droits de l'homme et de l'intégration des étrangers au sein de nos pays ». Et d'ajouter : « L'Europe forteresse fermée sur elle-même est un fantasme. » Remarquant que « plus les années avancent, plus la problématique migratoire se complexifie », Jean Marie Cavada, président de la LIBE et député européen affilié à l'Union pour la démocratie française (UDF), est resté « stupéfait de remarquer que même après cinquante ans, l'Exécutif européen n'est toujours pas arrivé à mettre en place une politique de coopération commune en matière d'immigration. Tout le monde est en porte-à-faux sur ce sujet ». L'ancien journaliste a, ensuite, plaidé pour « la mise en place d'une stratégie migratoire européenne unie, capable de réguler les vagues successives de personnes qui arrivent à nos frontières et éviter qu'elles ne tombent dans les griffes des trafiquants de drogue ou de prostitution ». Mais le chemin reste encore long et semé de nombreuses embûches bureaucratiques et juridiques. L'enquête parlementaire intervient après le rapport rédigé par le commissaire européen Alvar Gil Robles sur les conditions de vie dans les prisons françaises. Jugées « inquiétantes et attentatoires aux droits de l'homme », l'enquêteur a invité, au plus vite, le gouvernement français à se conformer aux normes européennes. Alors que les visites des autres centres de rétention vont se poursuivre dans le sud et le nord de l'Europe, la commission parlementaire chargée de mener l'enquête se prépare déjà à remettre un rapport d'initiative sur les centres de rétention visités. Il sera voté par le Parlement au cours du deuxième semestre 2006 dans le cadre de la réflexion globale sur la politique d'immigration de l'Union européenne.