Violence contre la femme d'une part, sa démission d'autre part, mais aussi la contradiction flagrante entre les lois et le terrain sont les quelques points soulevés lors de cette rencontre... La femme méditerranéenne a été au centre de débats, mardi après-midi, à l'Ins-titut Cervantes d'Alger. En collaboration avec l'ambassade d'Espagne, une table ronde a été organisée à quelques jours de la célébration de la Fête de la femme et ce de façon utile et constructive, loin des plateaux de spectacle et autres «remue-hanche». La table ronde a porté sur «La femme: histoire et culture» et a rassemblé cinq femmes du pourtour de la Méditer-ranée. D'abord Laura Baeza, ambassadeur et chef de la délégation de la Commission européenne en Algérie, chargée des relations euro-méditerannéenes de l'Union européenne jusqu'à 2008, a parlé des droits des femmes promus dans la région et présentera les activités et mission de l'Union européenne dans la protection des droits des femmes en Algérie, contre la violence, notamment, et ce conformément à la Déclaration de Barcelone afin de parvenir à la fameuse égalité homme-femme. Nous apprendrons que 131 contrats de subventions ont été signés pour l'amélioration de la condition de vie de la femme algérienne, nonobstant le financement de plusieurs ONG qui vont dans ce sens et le soutien à six projets associatifs tels ceux de Constantine ou de kabylie. Pour sa part, Wassila Tamzali, connue en tant qu'auteure, ayant une longue histoire de revendication des droits de la femme dans son pays, parlera de son expérience comme femme dans la politique et la culture et débattra sur la lutte pour les droits de la femme en Algérie tout en la comparant avec d'autres exemples comme la française et l'espagnole. Encore marquée par la désorientation des jeunes Algériens et Algériennes qu'elle a rencontrés récemment à l'université de Boumerdès, elle dira tout le malaise qui secoue cette génération dont la relation humaine se décline «dans un rapport de tabous effrayant». Elle parlera de «cette violence symbolique qui est dans la loi et qui humilie la femme, à savoir le Code de la famille algérien qui considère toujours la femme comme mineure». Et d'ajouter sur un ton pessimiste: «Je connais le droit, mais à un moment donné le droit est impuissant face à une mentalité. Il y a une construction politique qui entretient ce rapport des sexes. La laïcité seule ne peut changer les choses. Il faut abandonner les mythologies qui nous ont encombrés. Il faut faire avancer les choses par le réformisme, l'analyse de la pensée islamique certes, mais à un moment donné, il y aura une rupture. C'est un changement qui risque d'être brutal mais qui se doit d'être accompagné politiquement.» De son côté, Carmen Romero, députée socialiste pendant quatre législatures et présidente de l'association Cerle Méditerranée, parlera de son expérience comme femme politique, des difficultés rencontrées et de la lutte féministe en Espagne, et ce avec la loi d'égalité, la loi contre la violence, etc. Elle citera l'avancée qu'à connue ainsi le droit de la femme dans son pays depuis l'avènement de Luis Zapatero (membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (Psoe, Ndlr), aussi avec la transition démocratique, même si les partis politiques, argue-t-elle ne sont pas tous représentatifs de la société. «Les citoyens doivent aussi prendre en charge leurs engagements et leur propre destin. C'est un travail à long terme. La charia peut être interprétée selon les pays qui ont des tradition juridiques différentes. Le résultat sera forcément différent. C'est pourquoi, il faut penser à une stratégie toujours différente. 42% des femmes siègent aujourd'hui au Parlement. La réforme fiscale a été aussi un autre pilier. On a amendé le Code de la famille. La lutte est liée à la consolidation de la démocratie, à une confiance en soi et en son propre pays», a-t-elle fait remarquer. Faïka Medjahed, responsable du service de la santé des femmes de l'Institut national de la santé publique d'Alger et coordinatrice des groupes de recherche «Violence des femmes et la parité entre les sexes», décrira la situation alarmante de la violence contre les femmes et dont la première victime, nous apprend-on, est l'épouse, dont le mari est le principal agresseur..Notons qu'il a fallu attendre la fin des années 90 pour que la violence contre les femmes soit reconnue comme problème de santé publique en Algérie. «Il faut qu'on sache le nombre de femmes violentées et qu'on sensibilise les hommes sur ce fléau. Les causes fondamentales sont liées au pouvoir...». Enfin, a pris en dernier la parole, en étant, néanmoins, pragmatique et concise, Nadia Aït Zai, avocate connue pour sa lutte pour les droits de la femme et directrice du Centre d'information et de documentation des droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), centre avec lequel collabore l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement à travers l'OTC. Elle a rappelé, elle aussi, les droits bafoués des femmes, évoquant ses droits les plus élémentaires comme pouvoir sortir dans la rue et travailler, d'après un récent sondage. Elle a signalé, à juste titre, que les rapports de force après la fin du socialisme ont basculé dans les années 80 vers les conservateurs qui avaient une revanche à prendre. Elle a souligné également le grand fossé qui existe entre la construction de la loi en matière de droit civil et son application sur le terrain. Elle relèvera, enfin, l'ambivalence du comportement des Algériens, lesquels sont contrebalancés entre valeurs universelles et Code de la famille. «La faute incombe d'abord au pouvoir public qui a manqué à son rôle de construction de cette égalité, laquelle doit être accompagnée politiquement avec l'implication des femmes, or les femmes sont démissionnaires aujourd'hui», a-t-elle amèrement constaté. Autrement dit, le chemin est encore long...