Pour la première fois depuis 2004, le président Abdelaziz Bouteflika est critiqué ouvertement par les partis, dont certains proches du pouvoir comme le MSP. Le motif : son implication directe dans la campagne électorale en faveur du FLN. Un engagement qui a permis à un parti traversé par une crise à rebondissement de gagner des élections législatives présentées comme «transparentes». Bouteflika a-t-il calculé le risque en se rendant à Sétif, à deux jours du scrutin, pour appeler indirectement les Algériens à voter en faveur de sa «famille politique» ? Hier, dans les colonnes du quotidien national El Chourouk, Abdelaziz Ziari, président de l'APN sortante, a confirmé que «la victoire» du FLN revient au président Bouteflika. «Les résultats obtenus par le FLN sont ceux du président Bouteflika. Belkhadem n'a aucun mérite en cela. Il faut redonner à César ce qui lui appartient, à Dieu ce qui lui appartient. La moisson de 220 sièges est à mettre sur le compte du président Bouteflika. Personne d'autre ne peut revendiquer cela», a-t-il dit. Cette «moisson» est-elle liée uniquement à l'appel du Président qui, vu de près, ressemblait à un mot d'ordre ? Boudjemâa Haïchour, qui mène la contestation à l'intérieur de l'ex-parti unique, est, lui, convaincu aussi que Bouteflika est à l'origine du score réalisé par le FLN. «Le président a drapé dans son burnous les listes du FLN. Il a le plébiscite du peuple, l'adhésion des masses pour tout ce qu'il a accompli pour l'Algérie (…) Il a demandé aux gens d'aller voter. En tant que président du FLN. Les gens ont compris. Le FLN, c'est la position refuge. On n'est plus dans le contexte du vote-sanction. On est dans celui du vote-refuge», a-t-il soutenu dans une interview au site TSA. Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur, a, lui aussi, parlé de «vote-refuge». Donc, quelque part à un certain niveau de la décision, on s'était entendu à dire la même chose, reprendre les mêmes arguments. Entre les lignes, on reconnaît «le rôle majeur» joué par le président Bouteflika avant les élections législatives en orientant presque le choix des électeurs vers le FLN. Que reste-t-il du rôle d'arbitre du chef de l'Etat ? Comment seront gérées dans le futur les institutions de l'Etat avec un Parlement réduit à ne pas jouer son rôle de contre-pouvoir comme cela devrait l'être ? Les partis, qui dénoncent la fraude, ne pointent pas du doigt l'administration, mais le président de la République lui-même. Cela paraît déjà comme une immense régression par rapport aux consultations électorales précédentes. La contestation actuelle rappelle celle de 1997 lorsque l'administration avait été accusée d'avoir fraudé en faveur du RND. Un pas en arrière ? L'Alliance de l'Algérie verte (MSP, Ennahda et Islah) et Ahd 54 ont, entre autres, accusé le président Bouteflika d'avoir «empêché l'Algérie de connaître des élections libres» et d'être «responsable de la mascarade électorale». «Cette dérive est un coup dur aux réformes et un mépris pour la volonté du peuple», ont-il relevé. Qu'en sera-t-il pour les prochains scrutins ? Cela crée un précédent qui jette une ombre épaisse sur la poursuite de ce qui est appelé processus de «réformes» politiques en Algérie. La révision de la Constitution, prévue en 2013, se fera-t-elle dans un climat de liberté ? Sera-t-elle consensuelle ? Toutes les tendances politiques existant dans le pays auront-elles le droit de participer à cette révision ? Rien n'est sûr. Pour l'instant.